Retrouvons la suite de l’article rédigé par l’UFR sur l’Agirc et l’Arrco.
II – AGRIC, ARRCO … et les autres
Le paysage des retraites est très vaste et nous nous concentrerons sur les régimes du privé, CNAV, Agirc, Arrco, sur ceux des fonctions publiques (Fonction publique d’Etat – FPE – et Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales qui traite également les retraites de la fonction hospitalière – CNARCL) ainsi que sur les régimes spéciaux (3). C’est donc une grande majorité des 15 millions de retraités qui seront examinés.
Si tous ces régimes se placent sous la bannière de la répartition, ce qui les différencie des régimes en capitalisation (fonds de pension), leur principe général de gestion est différent :
Prestation définie pour la fonction publique et les régimes spéciaux. La pension est une fraction de la rémunération indiciaire calculée sur les six derniers mois d’activité et dépendant du nombre de trimestres de la carrière. Pour une carrière complète, le taux est de 75 %.
Cotisation définie pour les régimes Arrco et Agirc. La pension dépend du nombre de points accumulés pendant la carrière et de la valeur qu’il leur est accordé (voir valeur de service).
Prestation définie particulière pour la CNAV. La fonction est égale à 50 % de la moyenne des parties sous plafond des 25 meilleures rémunérations annuelles.
Effectifs retraités de droit direct en 2012 (en milliers)
Mono pensionnés | Poly pensionnés | Total | |||
Salariés du privé | 7 760 | 2 250 | 10 010 | ||
FPE civile | 910 | 480 | 1 390 | ||
FPE militaire | 220 | 110 | 330 | ||
CNARCL | 320 | 500 | 820 | ||
Régimes spéciaux | 330 | 300 | 630 |
Source : DREES Retraites et retraités 2014
Les poly pensionnés indiqués ci dessous ou au moins 50 % de leurs pensions découlant du régime porté sur la ligne
(3) Les régimes spéciaux : CNIEG (Industries électriques et gazières), SNCF, RATP, CNBF (Barreaux français), BDF (Banque de France), FSPOEIE (Ouvriers de l’Etat), ENIM (Marine), CANSSM (Mines), CRPCEN (Clers et employés de notaire), CNBF RCO (Banque de France, Régime complémentaire)
Le niveau des pensions servies est différent
Quelle que soit la colonne du tableau que l’on considère, la pension des salariés du privé est inférieure à celle des autres régimes figurant dans le tableau. Concernant les régimes spéciaux la distinction faite pour les autres régimes n’est pas disponible. Les chiffres, toutes catégories, indiqués pour certains d’entre eux sont également relatifs aux pensions de droit direct versé en 2012.
2012 pension mensuelle brute de droit direct
Toutes carrières | Carrières complètes | ||||||
Mono pensionnés | Poly pensionnés | Mono pensionnés | Poly pensionnés | ||||
Salariés du privé | 1 160 | 1 290 | 1 820 | 1 690 | |||
FPE civile | 2 170 | 1 990 | 2 490 | 2 130 | |||
FPE militaire | 1 690 | 2 640 | 2 350 | 2 710 | |||
CNARCL | 1 340 | 1 500 | 1 980 | 1 640 | |||
Régimes spéciaux | 1 860 | 1 840 | 2 260 | 2 030 | |||
Dont : | CNIEG | 2 676 | |||||
SNCF | 2 109 | ||||||
RAPT | 2 618 |
Source : DREES Retraites et retraités 2014, pages 67 et 72
L’âge de départ en retraite est différent
2012 les âges de départ en retraite (en % pour chaque régime)
< 56 ans | 56 à 59 ans | 60 ans | 61 à 64 ans | 65 ans + | |||||
CNAV | 0 | 3,6 | 19,9 | 47,5 | 29 | ||||
FPE civile | 5,9 | 16,5 | 15,4 | 51 | 11,2 | ||||
FPE militaire | 82,8 | 16 | 0,5 | 0,6 | 0,1 | ||||
CNARCL | 4,3 | 22,2 | 21,6 | 44,1 | 7,8 | ||||
SNCF | 38,1 | 60,2 | 1,1 | 0,6 | 0 | ||||
CNIEG | 39 | 42,1 | 8,6 | 8,2 | 2,1 | ||||
RATP | 69,5 | 20 | 4 | 5,7 | 0,8 |
Source : DREES Retraites et retraités 2014
Le tableau se passe de long commentaire. Il y a très peu de départs en 60 ans dans le privé. Pour la FPE civile et la CNARCL, le pourcentage des départs avant 60 ans s’explique par l’existence de statut de service actif dont bénéficient quelques 725 000 fonctionnaires. Ce statut donne la possibilité de partir en retraite avant l’âge légal, dès 55 ans, voire 50, à titre de compensation pour “les risques particuliers ou les fatigues exceptionnelles” des emplois tenus. En réalité, le statut d’appartenance de la personne est pris en compte et non l’emploi effectivement tenu. Pour les services spéciaux figurant dans le tableau la majorité des états interviennent avant l’âge de 60 ans conformément aux statuts de ces entreprises qui définissent largement les catégories dont l’âge normal de départ est de 55, voire se 50 ans.
Les cotisations sont différentes
Taux de cotisation en 2011 et pourcentage
Salarié | Employeur | Total | ||||
Salariés du privé | T1 (CNAV+Arrco) | 10,55* | 17,2* | 27,85* | ||
T2 Arrco | 8,9 | 13,30 | 22,20 | |||
T2 Agirc | 8,73 | 14,12 | 22,85 | |||
FPE civile | 8,39 | 66,59 | 74,98 | |||
FPE militaire | 8,39 | 121,55 | 129,94 | |||
CNARCL | 8,12 | 27,30 | 35,42 | |||
SNCF | 7,85 | 33,72 | 41,57 | |||
IEG | 12,13 | 24,57 | 36,70 | |||
RATP | 12,00 | 18,03 | 30,03 | |||
Mines | 7,85 | ns | ? | |||
Ouvriers de l’Etat | 8,12 | 33,00 | 41,12 | |||
Clercs de notaire | 8,79 | 20,80 | 29,59 | |||
Marine | 10,85 | 1,6 à 19,3 | ? | |||
Banque de France | 7,85 | Env. 60* | Env 68 |
Source : COR 26 novembre 2013, document 4
Comme il fallait s’y attendre les cotisations du privé sont plus faibles que celles des autres origines, ce qui est cohérent avec le fait qu’ils sont moins généreux sur le niveau des pensions et l’âge de départ. Les écarts concernant les cotisations des salariés sont modestes, mais en revanche ils sont considérables concernant les employeurs.
Des subventions d’équilibre de l’Etat
Certains régimes bénéficient en outre de subventions d’équilibre payées par l’état. Elles ont représenté 7,5 milliards d’euros en 2013.
Le cas des IEG
Subventions de l’Etat aux régimes spéciaux en 2013 (Mds €)
Régime | Montant Mds € du régime | Part du financement | |
SNCF | 3,33 | 44% | |
CANSSM (Mines) | 1,33 | 37% | |
FSPOEIE (ouvriers de l’Etat) | 1,33 | 70% | |
ENIM (Marine marchande) | 0,84 | 54% | |
RATP | 0,62 | 43% | |
Autres | 0,24 | 96/100% | |
Total | 7,69 |
Source : Commission des Comptes de la Sécurité Sociale 2013 page 129
Ces entreprises n’émargent pas au budget des subventions payées par l’Etat. Elles ont certes un niveau élevé de cotisations, mais celui -ci n’est pas suffisant pour équilibrer les comptes. Un nouveau dispositif a donc été imaginé lorsque les entreprises deviennent privées. C’est la Contribution Tarifaire d’Acheminement (CTA), une taxe payée à partir de 2005 par les particuliers sur la facture de gaz et d’électricité. Son montant est de l’ordre de 1,4 milliards d’euros.
Des pensions plus élevées, des âges en départ de retraite plus précoces que pour les salariés du privé, comment les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux équilibrent-t-il en compte ?
III – Conclusion
S’il est indiscutable que les régimes Agirc et Arrco sont en déficit, il apparaît clairement, après le survol que nous avons venons d’effectuer, que les autres régimes cités le seraient également lourdement s’ils ne bénéficiaient pas de cotisations patronales considérables avec, en outre, pour certains d’entre eux des subventions très importante par l’Etat, voire pour les IEG, par les particuliers.
Or, ces cotisations patronales largement supérieures à celles du secteur privé sont en réalité une part des impôts payés par l’ensemble des contribuables, qu’il s’agisse des impôts de l’Etat ou de ceux des collectivités locales. Il n’est certes pas illégitime de faire appel à la solidarité nationale pour assurer une existence digne à des retraités, ou leurs ayant droit, appartenant à des régimes dans les cotisants disparus (cas des mineurs par exemple) mais l’est-ce également pour des régimes qui maintiennent des prestations (niveau de retraités et âge de départ) très favorables ?
Cette situation discriminatoire alimente des polémiques persistantes avec des dénonciations dans la presse ou sur Internet d’écarts présentées comme scandaleux. Cette situation est malsaine et est en contradiction avec l’objectif affiché de la dernière réforme des retraites : “Garantir l’avenir et la justice du système de retraite”.
De nombreux officiels, soutenu largement par les partenaires sociaux, prétendant qu’au fond il n’y a pas d’écart significatif entre les différents régimes, ce qui permet aux polémiques, qui tangentent souvent le populisme, de prospérer. Comment se fait-il qu’au lieu d’entreprendre des réformes qui les ferait taire, tant de réticences manifestent pour mettre en place le régime unique de retraite dans cette revue nous préconisons ?
Article paru dans le Courrier des retraités Octobre 2014
Lien vers le site : http://www.retraites-ufr.com
Bramban
sujet intéressant à diffuser à un très large public afin d’inciter les réactions permettant de faire cesser les discriminations de toutes sortes : informer afin de sauver le système social honorable mis en place par nos ainés visionnaires, dénoncer les sangsues qui aspirent toutes les réserves et n’honorent pas leurs engagements