Deuxième partie du récit d’Alice, notre chroniqueuse de 79 ans, qui s’est spécialisée dans les voyages et la cuisine.
Mon récit de vie (suite)
Tout récemment, au moment où s’ouvre l’atelier « Raconter sa vie », je rencontre une ancienne collègue du Lycée de Bellevue, professeur de mathématiques agrégée qui me rappelle un souvenir :
Le cousin de son mari, principal du collège de Trinité portait toujours son chapeau bakoua. Les élèves quand il passait disaient « Pays sous développé ! ». Cela m’amusait fortement.
Au Carbet, une vocation dès l’enfance
Je collectionnais des photos de veettes de cinéma que je mettais en rang pour entrer dans ma classe virtuelle. J’avais peut-être 11 ans.
Puis, je « faisais classe » à mes cousines qui avaient peut-être à ce moment 7 ou 8 ans, confondant genre et nombre à mon grand désarroi : le pluriel de carafe devenait cafetière, celui de poussin, poussine, le pluriel de chat, chatte
« Pierre qui roule n’amasse pas mousse »
Une autre tante a arrêté mes voyages réguliers entre Fort-de-France et Pairs dans les années 70 au cours desquels j’allais la voir ce qui certainement ne lui faisait pas plaisir.
Je me souviens de ses repas du soir où elle me servait une soupe de carottes au vermicelle dans un joli bol de céramique bleu. C’était très bon ! … J’en ai gardé un goût pour les céramiques que je ramenais régulièrement de mes voyages.
Objet de représailles de mes cousins, cousines, toujours au Carbet
« Facteur, Facteur ! Un colis pour Alice »
J’ouvrais le paquet … : un cafard !
Je me mis à hurler de peur. Un jour, je vis le plafond d’une case derrière chez moi couvert de cafards : je frissonnais d’horreur.
Toujours au Carbet : représailles de l’oncle
« Va laver la vaisselle ! »
Je m’étais cachée derrière un lit pour lire … J’avais la « rage » de la lecture. Grand coup de soulier sur la tête. Quel méchant … et pourtant tuteur !…
Victime de racisme
- En Suisse : un verre de lait
Je chantais à tue-tête sur la route, remplie de joie. Tout d’un coup, j’entendis une voix affolée : « Une négresse, une négresse ! … ». Ma joie s’est aussitôt étouffée.
Chez nous, on vous appelle « lapins échaudés », répliquai-je
« Voulez-vous un verre de lait » me dit le Suisse. Je refusais vertement, très interloquée.
- Moins agressives, ces petites Espagnoles
« Alicia, tu es foncée mais tes mains sont blanches »
- Départ pour l’Autriche
Un ski me tomba sur la tête. « le ski ne s’est pas cassé » déclara un de mes compagnons de voyage, raciste jusqu’au bout des ongles.
- Toute petite à Marseille (souvenir lointain de ma tendre enfance)
« Ta mère t’a brossée avec du cirage ? », me disait mon institutrice.Deux femmes me cachent derrière leur dos (je revenais de la maternelle) au passage de deux officiers allemands, de peut qu’ils ne me frappent. On disait qu’ils se ciraient les chaussures avec du beurre alors qu’il y avait pénurie et des cartes de ravitaillement.
- Mais un souvenir plus réjouissant, alors que j’avais 3 ans
Il fallait me donner une piqûre « Si tu ne pleures pas, je te donnerai une jolie robe » me dit l’infirmière. J’ai eu une jolie robe. Je me rappelle qu’elle était en crêpe jaune clair.
En Algérie
Mon baptême de l’air : c’est la première fois que je prenais l’avion. C’était en 1960 sur la ligne Bordeaux-Alger : je n’étais pas du tout impressionnée !
Place du gouverneur à Alger : je marchais paisiblement sur le trottoir quand je croisais deux matadors algériens qui m’on donné la peur de ma vie. Heureusement, ils ont passé leur chemin, sans mot dire.
Une pierre à la tête : sur une plage aux environs d’Alger, je me baignais dans une lagune qui n’était pas très profonde. Deux Algériens de haute stature debout sur le rivage m’ont visée à la tempe et m’ont lancé une grosse pierre plate. Ils m’ont atteinte. J’ai été transportée d’urgence chez le médecin. Plus de peur que de mail. Fus-je protégée miraculeusement ?
« Sors si tu es une femme ! » : dans une salle de bal comble, une femme très bien habillée m’injective brusquement et veut se battre avec moi. De nature peu violente, j’arrive à m’esquiver et empêche une bagarre généralisée.
Ben-Aknoun
J’étais logée pendant mon séjour en Algérie à l’Université de Ben Aknoun sur les hauteurs de la ville d’Alger.
J’étais dans l’admiration de cette magnifique université où rien ne manquait : piscine géante, salles de cinéma, restaurants dernier cri. Véritable ville dans la ville. J’étais émerveillée. J’en garde un très bon souvenir ! …
Nous continuerons à publier le récit de vie d’Alice dans quelques jours. Restez connecté(e).
Alice, 79 ans