C’est en véritables détectives tels des Sherlock Holmes que plusieurs retraités ont mené des enquêtes, fait des photos, interrogé des habitants et effectué des recherches aux archives afin de créer le livre numérique qui retracera en photos, en images et en documents, Fond Lahaye d’hier et d’aujourd’hui.
Depuis le début du mois de mars, ils effectuent un travail de mémoire et de recherches tout en utilisant les nouvelles technologies. Cet atelier organisé par le CCAS de la ville Schoelcher dans le cadre du programme Bien Vieillir de la CGSS Martinique, est mené par Happy Silvers à la cyber base de Fond Bernier. Ce livre numérique créé à partir de l’application Genesya sera présenté le mardi 19 avril à 9h à la cyber base de Fond Bernier.
Ce quartier était à l’origine une ancienne habitation dont les terres ont été achetées par la suite par divers propriétaires. Elle fut rattachée à la ville de Schoelcher en 1898. Les terres furent acquises par l’administration coloniale afin d’y loger les réfugiés du Prêcheur, du Carbet et de Grand-Rivière après l’éruption de la montagne Pelée en 1902.
Rencontre avec deux seniors, habitants du quartier
Anthony Louis Léopold, ancien marin-pêcheur et Félix Clovis, artisan à la retraite.
Parlez-nous de la vie à Fond Lahaye du temps de votre jeunesse ?
Des lavandières lavaient leur linge dans les bassins situés tous les 50 mètres le long de la rivière. C’était une belle rivière. L’eau était toujours propre car les habitants l’entretenaient afin de pouvoir y laver leur linge en toute quiétude. Ils enlevaient les pierres après chaque pluie.
Les enfants plongeaient dans les bassins. La rivière contenait des escargots, des poissons et des écrevisses.
Quels types d’activités y avait-il ?
Fond Lahaye a toujours été un grand village de marins-pêcheurs mais aussi d’ouvriers, de maçons et de charpentiers. Le plus souvent, les ouvriers étaient pêcheurs le matin très tôt avant de se rendre à leur travail à Fort-de-France.
Le père de M. Louis-Léopold était charpentier et lors de la période de pêche, il laissait son travail de charpentier et reprenait son rôle de marin pêcheur.
Certains marins pêcheurs allaient à Miquelon c’est-à-dire au large des côtes. Ils partaient le matin à la voile et revenaient le soir à la rame le plus souvent. Cela leur permettait d’aller vers le Prêcheur ou le Carbet. Ils utilisaient des gommiers car les yoles sont arrivées par la suite. Les pêcheurs le long de la côte utilisaient les avirons. A chaque fois qu’ils arrivaient dans une commune, ils se « rinçaient la gorge » ! Ils transpiraient beaucoup ce qui leur permettait d’évacuer l’alcool !
Auparavant, les pêcheurs pêchaient surtout le volant. La vente de poissons était l’un des piliers de l’activité économique à Fond Lahaye au bord de mer. Aujourd’hui, la pêche a changé. Les personnes ne savent plus pêcher le volant. Cependant, la pêche ne s’est pas encore industrialisée. Il y a au moins 15 marins-pêcheurs. Le métier de pêcheur n’est pas évident car il y a moins de poissons qu’auparavant.
Fond Lahaye est aussi le berceau de l’aviron. Les avirons ont commencé ici avec les différentes compétitions. Au départ, les pratiquants étaient des marins pêcheurs. Dans le temps, les courses d’avirons drainaient plus de personnes que les courses à voile.
Comment qualifieriez-vous Fond Lahaye ?
C’est une ville dans la ville. Selon moi, il y a environ 4 000 à 5 000 habitants y vivent.
Il y avait beaucoup de lolos le long de la mer et de la route et de nombreuses boulangeries. Certaines personnes faisaient des crédits et ne payaient pas. Je vais vous raconter une anecdote : lasse de ne pas être payée, une commerçante avait affiché une pancarte « Pas de crédit aujourd’hui, demain oui ». Les gens revenaient le lendemain et ils lisaient le papier « pas de crédit aujourd’hui, demain oui « ; donc, il n’y a plus jamais eu de crédit !
Parlez-nous de la vie politique dans le quartier ?
Je vais raconter une autre anecdote. Un jour, un homme politique a prédit à un autre « tu auras qu’une seule voix » et le jour de l’élection, il n’a effectivement eu qu’une seule voix. Dans le temps, lors des élections, on éteignait la lumière et il y avait des combats. Celui qui parlait plus fort que l’autre était sûr de gagner !
Y a-t-il des hommes et des femmes célèbres ?
Il y a des familles qui ont prospéré. L’ancien maire, M. Eustache Bertrand a été une figure de Fond Lahaye. Il possède une place à Schoelcher.
Comment se passaient les fêtes ?
C’était un lieu de vacances pour les Folayais. A Pâques, il y avait des bals musettes et les gens venaient manger leurs crabes. La fête s’étalait sur 2 week-ends et commençait à partir du dimanche de Pâques. Le samedi gloria, les gens jouaient au serbi et presque tous les samedis soirs, il y avait un combat ! On jouait aux dominos ou encore à la belote …
Les échoppes situées le long du bord de mer étaient tenues par les femmes qui y proposaient du poisson frit.
Quelles étaient les curiosités du quartier ?
Le cocotier à 2 têtes qui créait une attraction pour les touristes a disparu lors du cyclone David.
Il y avait des latrines publiques près de la mer et les déjections tombaient directement dans la mer.
Les veillées se passaient chez l’habitant le soir même du décès et duraient toute la nuit avec des conteurs pour tenir les personnes éveillées.
Le soir, comme il n’y avait pas de télé, les gens allaient prendre le frais, s’asseyaient sur des draps près de la mer pour discuter.
Source : ouvrage de George Mauvois, « Case Navire, choses et gens de naguère »
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