Les retraités sont-ils les nouveaux pauvres ? Il fut un temps, pas si lointain, où nos aînés, porteurs de l’histoire familiale, finissaient leur vie chaudement entourés de leurs proches. Tan fè tan, tan kité tan !
Si l’imagerie populaire a conservé l’image de grands-parents choyés et sereins, la réalité est souvent bien autre, faite de solitude et, de plus en plus, de pauvreté et d’exclusion.
Si le temps de la retraite est perçu comme un temps de repos après une vie professionnelle bien remplie, la diminution drastique des revenus en fait souvent un parcours du combattant, où restrictions et privations font désormais partie du quotidien.
Les associations caritatives et les municipalités, au plus près des Martiniquais, le constatent chaque jour : à l’instar de la métropole, les retraités viennent, toujours plus nombreux, grossir le flot des personnes en grande difficulté : à la précarité « classique » des jeunes ou des accidentés de la vie, il faut désormais ajouter celle de ces « nouveaux pauvres », que la retraite a fait passer du statut d’individus parfaitement intégrés à celui de personnes en voie d’exclusion.
Si le fort sentiment de dignité de nos « grandes personnes » masque leurs conditions de vie difficiles, la prise de conscience d’une situation que les professionnels jugent alarmante est indispensable à la définition de perspectives qui devront venir de chacun d’entre nous.
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Interview de M. Frantz Rémy
Directeur de l’AMDOR 2000
En quoi les personnes âgées sont-elles concernées par la pauvreté ?
En Martinique, la moyenne des pensions se situe entre 700 et 800 euros mensuels contre 1000 euros en métropole.
Quand on sait qu’un individu est considéré comme pauvre lorsque ses revenus mensuels sont inférieurs à 803 euros (964 euros selon le mode de calcul) mensuels, le calcul est vite fait !
Les femmes, du fait de salaires généralement inférieurs à ceux des hommes en cours d’activité, ou n’ayant pas eu d’activité professionnelle, sont malheureusement les plus petites touchées par la pauvreté.
Mais si elles sont les plus représentées, la pauvreté de nos aînés, d’une façon générale, est, hélas, une réalité croissante en Martinique.
Au quotidien, cela se traduit par des restrictions drastiques –y compris sur la santé – dissimulées derrière une dignité qui est souvent la seule richesse de nos aînés.
La fameuse « solidarité familiale Martiniquaise est-elle morte ?
L’évolution de la société – activité professionnelle des femmes, habitat réduit à la cellule familiale restreinte, départ des enfants à l’extérieur – sont une explication à l’isolement des personnes âgées, et à une moindre participation de la famille à la vie quotidienne de leurs parents.
Mais le chômage, la précarité ou les difficultés économiques des ménages font que, dans de nombreuses familles, le seul revenu mensuel est la pension du grand-père ou de la grand-mère.
Nous assistons alors à une solidarité inversée, où la pension – si petite soit-elle – permet à l’ensemble de la famille de vivre – ou de survivre.
Au-delà du constat, des solutions sont-elles envisageables pour l’avenir ?
L’AMDOR, alertée depuis quelques années par les témoignages qu’elle reçoit, mène une réflexion sur l’appauvrissement de nos aînés.
La question sera d’ailleurs au centre de nos prochaines « rencontres gérontologiques », qui se dérouleront les 3 et 4 octobre prochains, à La Bâtelière.
Nous envisagerons, avec des experts et des professionnels, les possibles solutions, mais je dois dire que la réalité, telle que nous la vivons aujourd’hui, ne m’incite pas à l’optimisme !
En dépit du dévouement des associations caritatives, des CCAS et des collectivités, la situation, alarmante, exige une prise de conscience et des mesures énergiques !
La situation mérite vraiment une mobilisation générale !
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