Entretien avec Mme Sandrine Alivon, psychologue clinicienne sur l’estime de soi.
Comment peut-on définir l’estime de soi ?
Il n’y a pas de définition universellement reconnue de l’estime de soi. Tout dépend du courant de pensée que l’on choisit de suivre. De manière globale, C’est l’opinion, le jugement de valeur que l’on porte sur soi.
C’est une image que l’on se forme à propos de sa valeur personnelle, par rapport à un soi idéal (celui qu’on aimerait être). Elle concerne tous les aspects de l’être : physique, intellectuel, émotionnel, social…
C’est donc un jugement subjectif qui se construit à partir de croyances tirées de notre culture, notre éducation, nos expériences de vie, nos tempéraments, nos désirs individuels et collectifs. Elle peut être positive ou négative, consciente et inconsciente. Comme le démontre le psychanalyste A.ADLER, le fameux complexe de supériorité » est en fait, toujours, un complexe d’infériorité.
L’estime de soi n’a donc rien à voir avec la mégalomanie ou l’arrogance. Elle va de pair avec la confiance en soi, la conscience de ses besoins fondamentaux, le pouvoir sur soi (et non sur l’autre), la responsabilité de sa vie et de ses choix, le sens que l’on donne à sa vie.
Dans les années 70, Abraham Maslow, psychologue et chercheur humaniste a conclu que l’estime de soi est un besoin fondamental de l’être humain -au même titre que manger et boire- et un pallier vers l’accomplissement de soi.
Pour nous sentir vivants, autonomes, responsables et créer la vie que nous souhaitons, il nous faut nous sentir aimés, respectés, pris au sérieux. A tous les âges.
Concrètement, disons qu’une personne qui a plutôt une bonne estime d’elle-même se sent digne d’être aimée et sait qu’elle peut compter sur elle-même pour affronter les défis de la vie. Au revers, une personne qui a une estime d’elle-même négative est le plus souvent assoiffée d’amour et de reconnaissance, dépendante de l’approbation des autres.
Mais c’est un processus ! Comme une flamme, elle grandit, s’amenuise, vacille, s’éteint ou illumine, irradie. Elle se développe pas à pas, se répare, s’entretient, se nourrit en continu.
Comment se développe-t-elle ?
Avant même notre conception ! Dans la manière dont nos parents ont pensé à nous, nous ont attendu (ou pas), nous ont porté, parlé, regardé, aimé. Dans les mots que les adultes ont posés sur notre valeur, notre nature, nos conduites. Elle intègre les « tu es trop susceptible ! », « tais toi tu parles trop ! » comme les « doudou lanmou ». Elle revient nous titiller dans les questionnements identitaires de l’adolescence.
Elle se rappelle à nous dans les relations de travail, les rapports amoureux, les différents crises de la vie et, bien-sûr, dans le processus de vieillissement.
Elle dépend étroitement de la manière dont nous prenons soin les uns des autres et de ce que chaque individu choisit d’en faire. Il n’est jamais trop tard pour réparer une estime de soi affaiblie.
Comment rester en contact avec son estime de soi quand on est senior ?
Selon différentes études, ce qui compte le plus est l’ATTITUDE face au vieillissement. Quelles sont vos croyances sur la « retraite », le « bien vieillir » ? Etes-vous plutôt « vieillir s’est se ratatiner de bout en bout jusqu’à finir seul, handicapé, avec la maladie d’Alzheimer, dans d’atroces souffrances et pleins de regrets » ou bien « Vieillir, c’est la vie, c’est un processus naturel et bénéfique qui poursuit ma réalisation personnelle » ? Se voir comme un futur cadavre ou un être sans cesse en évolution jusqu’à son dernier souffle conditionne nos jours.
Quels sont vos projets ? Vos besoins spécifiques ? Comment maintenez-vous votre capacité à contrôler votre vie ? Vous sentez-vous aimés? Aimez-vous ? Quels bagages –psychologiques, émotionnels- devrez-vous lâcher pour continuer votre route plus sereinement ? Vous sentez-vous en accord avec vos motivations profondes, fidèle à vos valeurs ? Voilà autant de questions que l’on peut se poser de manière continue. Ne vous tracassez pas si toutes les réponses ne viennent pas d’emblée. L’essentiel est de les proposer à la lumière de votre conscience.
Comment entretenir une estime de soi positive quand on est senior ?
Tâche importante dans un monde qui rend gloire à la beauté physique, la jeunesse immuable, la performance sans faille, la vitesse et la satisfaction immédiate de tous les désirs ! Cela nous demande de continuer à répondre à nos besoins fondamentaux – physiques, cognitifs, sociaux, affectifs, spirituels – avec une grande attention.
Olivier de LADOUCETTE, psychiatre et gériatre définit 4 facteurs psychosociaux pour un vieillissement réussi : croyance en un contrôle interne, bonnes capacités d’adaptation, bonne qualité de relations affectives et sociales, faculté de donner un sens à sa vie.
Avec lui nous pouvons conclure qu’une estime de soi positive chez les seniors se nourrit de ces précieux ingrédients : continuer d’apprendre- la mémoire peut s’améliorer au-delà de 80 ans !- de découvrir, de rire, de s’émerveiller, d’aimer, d’être aimé. Accepter notre chemin de vie tel qu’il est, avec ses lacunes, sa violence et ses merveilles. Réparer ce qui doit l’être et en tirer la sagesse qui nous est nécessaire. Entretenir une forme physique – quel que soit son degré de handicap. Se maintenir relié à l’infiniment grand au dedans et en dehors de soi.
L’écrivain Neale Donald WALSH nous rappelle qu’il y a toujours que 2 moteurs dans nos choix de vie : la peur et l’amour. Si j’ai peur d’aimer, d’oser, de vieillir, de mourir, alors j’ai tout simplement peur de vivre.
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