Ou quand nos seniors accueillent pendant les vacances leurs petits enfants qui vivent tout le reste de l’année dans l’hexagone, avec ou sans leurs parents …
Je suis né loin d’ici, pourtant je suis d’ici … Les paroles de cette chanson en disent long sur ce sentiment ambivalent qui anime ceux qui passent des vacances en Martinique après des mois voire même des années sous des latitudes où ils ont construit leur vie. Nous les croisons souvent, avec femme et enfants à la plage, dans les supermarchés, lors des évènements de masse tels que le « tour des yoles ». Ils sont reconnaissables à leur accent, et même quand ils ne disent rien, on remarque leurs jambes constellées de piqures de moustiques, et leur teint témoignant d’un manque de soleil prolongé.
Les grands-parents aux Antilles, une solution intéressante pour les vacances
Plutôt que « négropolitains ou negzagonaux », vocables diversement appréciés, on les appelle plus familièrement en cette période « les vacanciers ». Certains reviennent à intervalles réguliers de 3 ans, grâce aux congés bonifiés qui permettent à la famille de voyager au grand complet jusqu’à la majorité des enfants. Mais d’autres n’ont pas cette possibilité, et « envoient » les petits en vacances chez leurs grands parents, solution permettant de gérer deux mois de vacances quand on n’a droit qu’à un mois de congé payé, voire moins, et que les solutions de garde se font rares et chères.
Les grands parents, et encore plus ceux de chez nous, sont toujours prêts à accueillir leurs petits enfants, à fortiori ceux qu’ils ne voient pas souvent. Du côté des enfants, les chiffres démontrent que cette perspective ne les enchante que jusqu’à un certain âge, sauf si c’est l’occasion de retrouver des cousins du même âge avec lesquels ils pourront partager des loisirs et des centres d’intérêt communs.
D’après un sondage effectué par Familiscope, un tiers des enfants français a passé leurs vacances auprès de leurs grands-parents en 2013. Les motivations à faire ce choix sont nombreuses. Tout d’abord la disponibilité : contrairement aux parents, les grands-parents ont du temps qu’ils peuvent consacrer à leurs petits-enfants. Ils peuvent passer la journée avec eux sans contrainte horaire et sans emploi du temps précis. Cette disponibilité leur offre une grande liberté d’action et permet aux enfants de toujours disposer d’interlocuteurs attentifs.
L’occasion de découvrir le pays de leurs parents
Ceux-ci seront capables de répondre aux questions qu’ils se posent légitiment sur le pays de naissance de leurs parents, leurs origines, leurs racines. Ils feront connaissance avec un pan de leur famille qu’ils ne voient que rarement, feuilletteront les albums photos et découvriront des paysages et des saveurs qui nourriront leur imaginaire.
Ces vacances chez les grands-parents ne fournissent pas simplement un cadre rassurant pour les petits-enfants. «Elles sont souvent l’occasion de rencontrer des cousins et permettent un enracinement dans la famille…. Les séjours chez les grands-parents “font” famille, et pour les enfants, ils sont constructifs en termes d’identité», explique Nicole Prieur(1)
Cette plongée dans un espace différent où de surcroît on emploie fréquemment le créole ou des expressions nouvelles pour eux crée un dépaysement plus profond que le simple fait de changer de département pour les autres petits français. Heureusement, les nouvelles technologies et la démocratisation des transports aériens font que les enfants ont souvent déjà vu ou entendu leurs grands parents avant de séjourner chez eux. Ils communiquent régulièrement via Skype ou Whatsapp et échangent photos et vidéos à longueur d’année.
Passer des vacances loin des parents génère également un sentiment d’indépendance chez les enfants. Cette relative autonomie apporte un équilibre dans leur développement et les aide à couper, petit à petit, le cordon ombilical qui les relie à leurs parents.
Ca ne marche pas à tous les coups …
Mais cela n’est pas toujours simple pour les grands parents de réaliser le séjour parfait. Un sondage OpinionWay publié en février 2015, révèle que « garder les petits-enfants pendant les vacances scolaires est considéré comme une corvée pour les grands-parents ».
65% des Français interrogés estiment que l’agitation et le bruit causés par les petits-enfants sont contraignants pour les grands-parents. Pour, 45, c’est la surveillance. 29% mettent en avant la difficulté à faire participer les petits-enfants à leurs propres activités (expositions, musées…) et pour 15%, c’est le manque de temps pour soi.
Les enfants élevés en « métropole » ont souvent chez nous la réputation d’avoir eu une éducation plus « laxiste » que les nôtres. Leurs parents sont soupçonnés d’avoir cédé aux injonctions d’une société où l’enfant aurait tous les droits, et où la fessée est mal vue, voire interdite. Imaginez en effet les « je n’aime pas » face au féroce, au migan, et aux mets traditionnels du pays que l’on veut leur faire découvrir… Il y a de quoi être déçus au début, puis exaspérés à force d’être obligé de composer des menus spéciaux pour les adeptes des frites, pâtes, et autres menus standards.
Il fait trop chaud, je m’ennuie…. Autant de phrases qui risquent de ponctuer les journées où l’on n’a pas spécialement prévu de sortir car il faut un budget pour les glaces, les visites ou les circuits de quad.
C’est pourquoi, il ne faut pas que le séjour soit trop long. L’idéal serait que les parents viennent prendre le relais au bout de 3 semaines. Et même si cette durée est raisonnable, mieux vaut l’avoir préparée en se renseignant sur les goûts des enfants, les animations qui auront lieu pendant leur séjour. L’avantage chez nous étant que, si les grands parents habitent à la campagne ou en bord de mer, avec de la famille autour, il y a déjà de quoi faire dans cet environnement riche d’expériences à découvrir.
De quoi avoir le « cœur Grenadine » au moment du départ …
(1) Auteur, avec Isabelle Gravillon, de Nos enfants, ces petits philosophes, paru chez Albin Michel