Claude, retraitée très récemment, nous a fait part de cet article sur le chemin de St Jacques de Compostelle qu’elle a effectué en France, en Espagne, de part le monde … « Premier Itinéraire Culturel Européen » – 5ème partie.
Le pèlerin du Moyen Age
Ceux d’hier trouvaient refuge, nourriture et soins dans des ‘hôpitaux » gérés par des congrégations religieuses. Ils devaient se prémunir des attaques de Coquillard (brigands des chemins qui dévalisaient les pèlerins) mais aussi de la maladie ou devaient s’engager dans une ferme le temps de gagner quelque argent pour repartir.
Si le Pèlerin d’aujourd’hui parcours en moyenne 30 à 35 kms par jour, il est évident qu’au Moyen Age c’était bien 40 à 50 km par jour qui étaient couverts le plus souvent en savates, ou en sabots.
Pour mémoire, le chemin se pratique à pied, à cheval, avec un âne, en bicyclette, selon le goût ou les disponibilités de chacun, mais aussi en fauteuil roulant, par des personnes handicapés physiquement.
Ceux d’aujourd’hui sont accueillis ici ou là par des « hospitaliers » bénévoles qui aident à leur manière leurs frères pèlerins.
Ils donneront généreusement tous les détails nécessaires dans une des associations qui se sont crées pour aider les candidats pèlerins et conserver les liens fraternels qui se sont noués sur le chemin.
Au 21ème Siècle, qui rencontre-t-on sur les chemins de St Jacques ?
Des jeunes et des vieux, des hommes et des femmes, des étudiants et des retraités, des Français, des Européens mais aussi des personnes d’Amérique du Sud, d’Asie, etc… ceux qui ont pu consacrer un mois ou deux de leur vie à cette aventure.
Songez qu’il n’y a pas moins de 1 600 km à parcourir si l’on part du Puy-en-Velay, 900 seulement depuis le col de Roncevaux ou celui du Somport.
Et, tout au long de ces kilomètres, toute sortes de gens, dont le souci majeur relève du soin de leurs pieds dont les orteils sont majoritairement fleuris par des ampoules qui éclairent généreusement le chemin.
- A première vue, d’abord des marcheurs. Mais ces sportifs sont presque toujours plus que de simples coureurs de chemins. Quand bien même d’ailleurs ils seraient partis pour l’exploit, le plus souvent ils arriveront en pèlerins.
- Doublons cette catégorie par un ensemble de « pèlerins récidivistes« , ils ne sont pas rares, ceux qui se sont à l’occasion d’un premier pèlerinage, découvert une vocation de vagabonds et enchaînent Fatima, La Salette, Rome et même Jérusalem à pied !
- Il y a, à l’évidence des « marcheurs de Dieu » pour lesquels ce périple est une sorte de retraite itinérante comparable à celle qu’ils auraient pu faire dans un monastère. Ils ne sont pas les plus nombreux, mais tout pèlerin n’est il pas à la recherche du sacré.
- Plus rares ceux qui suivent un chemin initiatique tel qu’a pu en parler Louis Charpentier dans son livre « Les Jacques ou le mystère de Compostelle » (Laffont – j’ai lu 1971). Cet ouvrage enthousiasmera les amateurs d’ésotérisme.
- Plus réalistes sont ceux que l’on peut dire artistes dont les appareils photographiques toujours en éveil fixent pour toujours les paysages rencontrés, les fleurs du chemin, et les merveilles architecturales.
- Les « Européens » sont un peu tout cela.
Souvent venus du nord lointain, jeunes pour la plupart, ils se font une joie de découvrir l’Europe sans frontière qui est à n’en pas douter celle de demain. - Et il y a les autres, ceux qui ne peuvent réellement pas dire pourquoi ils sont partis. Ils sont partis parce qu’il le fallait « comme à un rendez-vous d’amour ». C’est le secret que Lanza del Vasto nous révèle dans son « Pèlerinage aux sources » (Denoël 1943)
Alors qui rencontre-t-on sur ce chemin ?
C’est une très belle découverte que de se regarder purifié de tous les costumes que nous imposent la vie d’aujourd’hui et dont nous pourrions dire qu’ils sont autant de déguisements joyeusement portés.
Comment conclure ce bref regard sur le pèlerinage à Saint-Jacques sans parler de l’arrivée à Santiago.
A l’évidence, c’est le chemin par lui-même qui est le plus important de cette aventure, mais l’arrivée peut en être le bouquet comme dans un feu d’artifice, la fin du trajet de la fusée s’épanouit en une gerbe de toutes les lumières quelle contenait tout au long de sa trajectoire.
Pour beaucoup, le moment clef est celui où l’on glisse sa main sur le portique de Jessé, à la place même où des millions de mains ont peu à peu creusé une empreinte on ne peut plus humaine, celle d’une main.
Un pèlerin nous dit : « J’ai posé mon sac, je me suis assis dans l’ombre, par terre pour pleurer tout mon soûl ». Le temps alors ne comptait plus, j’étais arrivé. Comme on met un drapeau sur le pignon fraîchement achevé d’une maison en construction, j’ai hissé à Dieu une prière de louange ».
Pourtant à Santiago, le chemin n’est pas terminé !
Reste à parcourir les 100 derniers km pour arriver à Fisterra situé sur les rocheuses, la Costa da Morte (la « Côte de la Mort »), nommée ainsi en raison du grand nombre de naufrages sur ces rivages.
Au km 0, est un phare sur un promontoire spectaculaire de 600 mètres « Monte Facho » à la pointe de Cap Fisterra donnant sur l’Océan Atlantique.
Dans ce secteur il existe de nombreux restes de croyances pré-chrétiennes et des lieux sacrés.
Cette région constituait pour nos lointains ancêtres les Celtes, ainsi que pour l’homme du moyen âge un espace symbolique et mystérieux aux confins du monde connu, la pointe occidentale du continent européen. Le dernier trajet d’un itinéraire marqué dans le ciel par la voie lactée se terminant sur ce fameux promontoire.
Fisterra ‘la fin de la terre’ la Costa da Morte ‘la Côte de la Mort’, terme du chemin initiatique où l’on pouvait disparaître comme le soleil pour renaître avec lui le lendemain matin…
La tradition veut que le pèlerin arrivé en ce lieu se charge des forces telluriques présentes, devra s’il le souhaite, brûler ses vêtements en signe d’abandon de son ancienne “peau” avant de repartir chargé des énergies du lieu que représentent les 4 éléments :
- l’eau par la force de l’Océan,
- l’Air avec un Eole vivifiant
- le feu par un soleil ardent,
- la terre avec un sol de granit puissant
Tout est calme, tout est serein, seule une musique celtique porte le pèlerin vers l’univers.
Ainsi purifié, le pèlerin reprend sa route vers Santiago pour sa bénédiction, récupérer sa “Compostella”, diplôme attestant que le chemin a été parcouru au vu de la Crédencial, carnet de pèlerin nécessaire pour accéder aux gîtes ou pour son retour vers son domicile, non sans avoir recueilli sa coquille St Jacques sur la plage de Fisterra.
Le pèlerin, ce marcheur au long cours, a quitté sa famille, ses amis, son pays, ses habitudes et le confort, pour se confier au CHEMIN, avec le seul appui de son sac le plus léger possible, du bourdon et de ses chaussures en partant « à la grâce de Dieu ».
Au départ, les motivations n’étaient pas toujours évidentes, le pèlerin laissant au Chemin le soin de faire apparaître le questionnement et d’y apporter la ou les réponses !
Les rencontres, la rencontre avec soi même, l’accueil spontané des populations confiant aux pèlerins de passage leurs prières à St Jacques, la découverte du « TOUT » sont des moments d’une telle intensité que le pèlerinage vers Saint Jacques est une merveilleuse étape de vie, que l’on n’a de cesse de communiquer aux autres, procurant à chacun un questionnement sur la Foi, un respect, un rapprochement et un amour des autres ; une tendance à la solidarité, une relativisation de soi, et même une sensation ambiguë d’humilité et de force en soi ; enfin une joie et une sérénité profondes, et un certain stoïcisme.
Grâces sont rendues pour cet état de félicité, état en général durable et fort.
Dépassement de soi, Joie, Gratitude, Humilité, Rencontres, Solidarité, Respect de l’Autre et de son éventuelle différence, Tolérance, Acceptation de sa propre faiblesse et de ses erreurs, voilà comment il convient d’envisager le Chemin de Saint-Jacques.
Il continuera alors à être pour la plupart, un merveilleux chemin de transformation.
Merci au chemin de m’avoir permis de le parcourir, merci à ce chemin d’exister.