Les aidants seraient plus de 8,3 millions en France et ils sont plus de 18 000 à prendre soin au quotidien d’un proche dépendant, malade ou handicapé (1) à la Martinique.
Selon l’INSEE, le vieillissement de la Martinique entraînera des besoins de plus en plus importants d’emplois dans le cadre du maintien à domicile des personnes âgées : les aidants familiaux constituent et seront un appui indispensable dans notre société.
Etre aidant familial, c’est apporter une aide régulière (totale ou partielle) à un proche en situation de dépendance ou de perte d’autonomie. C’est une prise en charge des activités domestiques, une aide physique dans les soins quotidiens, un accompagnement dans les démarches ou les activités sociales … C’est aussi un épuisement tant physique, psychologique et parfois un sentiment d’impuissance.
Avant d’être en situation de burn out, il faut ne pas s’isoler, ne pas culpabiliser et s’accorder des moments de répit. Le projet de loi d’adaptation au vieillissement prévoit un droit au répit avec un soutien financier (500 € par an) pour les aidants familiaux qui accompagnent les personnes atteintes d’une grande perte d’autonomie. Il s’agira de financer l’accueil de la personne aidée dans une structure adaptée à ses besoins.
Rencontre avec Mme Jenny Stéphanie Victoire, Présidente de l’AMAF (Association Martiniquaise des Aidants Familiaux)
Qu’est-ce qu’être aidant familial à la Martinique ?
Etre aidant familial, c’est avant tout s’occuper de façon permanente d’un proche, d’un parent malade dépendant ou en situation de handicap mais aussi de personnes sous forte influence d’addictions (alcool ou drogue). C’est une vigilance continue et sans relâche sans pour autant être rémunéré mises à part quelques exceptions quand l’aidant est payé par l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie).
Etre aidant, c’est avoir toujours en tête « que va t-il devenir quand je ne serai plus là ou quand je serai trop âgé ? »
Je peux dire que c’est un dévouement corps et âme. L’aidant est au service de l’aidé même s’il existe, à ses côtés, les infirmiers ou les aides à domicile.
Dans le cas d’aidants plus âgés, les statistiques montrent que l’aidant meurt souvent avant l’aidé. En effet, l’aidant ne prend pas de temps de s’occuper de sa propre personne. Il faut pourtant prendre du temps pour soi, ne serait-ce qu’une fois par mois
Parlez-nous des actions menées par votre association
Elles sont nombreuses :
a) Une fois par mois, nous organisons un temps de répit de 9h à 16h sous la forme de sorties culturelles et de loisirs, de groupes de paroles ou encore de moments d’écoute.
b) Nous avons aussi des ateliers avec la CGSS Martinique une fois par mois sur des thèmes différents comme « comment mieux comprendre la maladie d’Alzheimer », « comment organiser son jardin familial ». Ces actions se terminent en décembre mais nous avons bon espoir qu’elles soient reconduites.
c) Un colloque annuel. C’est la 4ème édition. Les thèmes précédents ont été les suivants : être aidant, la solidarité familiale a-t-elle un sens à la Martinique, la famille au service de la famille …
Ce dernier colloque aboutira à la rédaction d’actes qui seront présentés au grand public au cours du 1er trimestre 2016. En effet, notre société a complètement changé et nous oublions nos valeurs familiales traditionnelles.
d) Le 25 septembre 2015 a eu lieu une animation socio-éducative organisée avec l’IRCOM dont le thème était « la souffrance de l’aidant exposée aux risques suicidaires à la suite du décès de l’aidé »
e) Une fois par an, en avril ou en mai, nous organisons un grand moment convivial avec les aidants et quelquefois la personne aidée. C’est l’occasion d’écouter ensemble de la musique et de déguster un repas servi par l’ADAPEI.
Pourquoi une journée nationale des aidants ?
Elle a lieu le 6 octobre et c’est l’occasion de valoriser les aidants. Nous serons au Morne Rouge cette année. Nous organiserons différentes manifestations avec par exemple une pièce de théâtre. L’ADAPEI sera aussi présente et proposera à la vente les produits fabriqués par les personnes handicapées.
La loi sur le vieillissement va proposer une aide au répit. Pourquoi est-ce nécessaire ?
Les aidants doivent pouvoir souffler pour oublier le quotidien. A mon avis, le gouvernement a fait un petit pas dans la compréhension du vieillissement. Il n’y aura pas assez de places dans les structures spécialisées : les aidants jouent un rôle essentiel dans notre société.
Prendre du répit, c’est un moyen de mieux rebondir pour continuer la tâche même si cela n’est qu’une fois par trimestre. Il ne doit oublier de prendre soin de lui.
L’IRCOM a décidé de mettre en place avec Happy Silvers une action de répit dans le cadre d’un week-end Poz du 6 au 8 novembre 2015. Je pense que cela est une très bonne initiative. Outre le fait d’être hébergé dans un cadre magnifique d’un hôtel club 3 étoiles, le séjour en pension complète comprend des ateliers (fitness bélè , relooking, …).
Ce week-end est un moment pour l’aidant qui lui permettra de se consacrer à lui-même car il ne faut pas oublier que « tout le monde est utile mais que personne n’est indispensable ».
Y a-t-il suffisamment de solutions d’hébergement temporaire à la Martinique ?
La réponse est clairement non. La solution serait à mon avis de permettre aux familles d’accueil de pouvoir héberger de façon temporaire les personnes aidées.
(1) Source : Insee