Seniors, confinés et déconfinés, l’avis du gériatre

Rencontre avec le Docteur Carolle Chatot-Henry, gériatre 

D’après votre expérience en qualité de gériatre, comment les seniors ont-ils vécu et vivent cette période ?

Quel que soit l’âge, avoir un capital santé positif a permis de vivre cette période d’enfermement comme un tremplin pour redécouvrir son environnement. Optimiser cette rupture sociale a alors été possible par un temps d’investissement « chez soi ».

Le cadre de vie a défini cette sensation puisque la campagne avec maisonnette donnera plus de satisfaction qu’un appartement en ville. Beaucoup de séniors ont apprécié l’absence de bruit nuisible, de pollution urbaine ou de consommation arbitraire.

Pour les aînés, ayant des pathologies lourdes, le ressenti était différent car soucieux d’éviter toute contamination. Pour les patients souffrant de troubles cognitifs, leur équilibre psychique a été impacté par l’écart avec les habitudes, rassurés par la « ritualisation » du quotidien.

Quels conseils donneriez-vous aux seniors pendant cette période si particulière ?

Nous sommes en « déconfinement… », période de tous les dangers, puisque le virus lui-même n’est contrôlé que par les gestes barrières, qu’il faut maintenir raisonnablement. L’immunité n’existe quasiment pas et la médication se fait attendre. L’âge est un facteur de risque indéniable ; ainsi le sénior qui retrouvera son tissu social « d’avant » doit se protéger comme il a très bien su le faire jusqu’ici.

Les multiples associations du territoire sont très conscientes des risques encourus et respectent les mesures sanitaires adéquates. Elles proposent un encadrement garant pour une reprise de leurs activités centrées. Donc, mon conseil est de recourir à cette ouverture vers le monde associatif qui prolonge le tissu social hors des proches.

Quels sont les risques pour les seniors vivant à la Martinique ?

Le flux estival de vacanciers pourra peut-être activer une recrudescence de cas (actuellement autour de 250 en Martinique). Les cas dépistés aujourd’hui sont importés faisant craindre une éventuelle diffusion virale retardée. Les vacanciers étant des touristes ou des proches visitant leurs parents séniors.

En opposition, des voyages seront possiblement décalés d’où un isolement ressenti par le sénior… Des évènements, comme les mariages, sont parfois repoussés d’une année.

De façon plus factuelle, le taux «R0» – indicateur de transmission/circulation du virus – est à 1,57 pour la Martinique. Sachant que >1 exprime une tendance à l’augmentation du nombre de cas, la Martinique fait partie des 5 régions où la prudence est de mise. Le biais peut être lié au dépistage systématique des voyageurs (Santé publique France) mais cela reste un signal d’alerte.

Les seniors aux Antilles sont-ils plus susceptibles de développer la forme grave compte tenu des pathologies dont ils souffrent aux  Antilles ?

Heureusement, les différentes hypothèses avancées pour la Martinique ont été déjouées ! Je ne ferai donc aucune joute verbale sur un avenir incertain. Il est vrai que les comorbidités, sont des facteurs aggravants pour toute pathologie virale, et celle-ci en particulier, puisque amplifiant une réaction inflammatoire inhérente aux maladies chroniques. De plus, des mouvements de population peuvent influencer le nombre de cas, comme c’est le cas actuellement en Guyane par exemple. Et la pollution atmosphérique que nous subissons depuis quelques semaines, fragilise la sphère pulmonaire également ciblée par la Covid-19.

Vous avez écrit l’article « Déconfinement, tout est dit et pourtant » sur le site familyevasion que vous gérez. Vous y donnez des conseils. Pourriez-vous nous donner ceux qui pourraient s’appliquer aux seniors ?

Il est vrai que notre site familyevasion.com à la recherche de sujets valorisant le terroir (bakoua, bèlè, agriculture, art…) s’est totalement adapté à la période du « confinement et déconfinement ». Nous avons alors créé des grilles de jeux, des exercices physiques, des recettes… pour « méninger » pendant le confinement. Ce temps d’adaptation/risque sanitaire, est à prolonger en toute liberté cette fois-ci. Et toutes ces thématiques s’appliquent aux séniors bien entendu ! Ainsi, garder le cap (dernier article du site) reprend les bonnes pratiques d’un savoir-être centré sur l’humain, que nous avons (re)découvert pendant cette période si particulière. Le texte retrace des items simples comme le manger local, le déplacement à vélo, le bienfait des plantes ou encore la valeur ajoutée du tissu social. Familyevasion vous accompagne sur de multiples questions !

La rédaction vous conseille