Au 1er janvier 2016, les salariés non encore couverts par une complémentaire santé vont l’être avec un support de leur entreprise. C’est une avancée ! Mais les dépenses de santé ne cessent d’augmenter gonflant tant le déficit de la Sécurité Sociale que les charges des mutuelles.
Résultat : les cotisations demandées aux adhérents des complémentaires santé grimpent allègrement. Peut-on sortir de ce cercle infernal ? Et des changements pour demain sont-ils possibles ? Analyse chiffrée …
Les statistiques sont implacables. Comme la population française vieillit et se soigne mieux au fur et à mesure que le coût et l’efficacité des techniques médicinales s’améliorent, les dépenses de santé augmentent inexorablement. Ainsi, la CSBM (Consommation de Soins et Biens Médicaux) a représenté 2 806 € par habitant en 2°13 soit 8,8 % du PIB alors qu’elle ne représentait en 1950 que 2,6 % de cet indice. Elle progresse donc plus vite que la richesse nationale, tendance préoccupante pour l’équilibre des comptes, dont il faut par ailleurs convenir qu’elle a permis la croissance de l’espérance de vie, passée de 64,3 à 78,7 pour les hommes et 69,2 à 85 pour les femmes.
I – La sécurité sociale
Depuis 1996, le Parlement, dans le cadre de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS), fixe un Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM). Cette initiative est excellente, mais il se trouve que cet objectif est le souvent plus supérieur à la croissance de la richesse nationale, laquelle détermine les ressources de la Sécurité Sociale. Plusieurs conséquences résultent alors :
- Même si l’ONDAM est respecté, l’écart entre lui et la progression des recettes est un déficit qui vient alimenter la dette.
- Dans son effort pour respecter l’ONDAM, la Sécurité Sociale serre ses dépenses, freine l’évolution de son Tarif de Responsabilité, dérembourse des médicaments … Le résultat est de transférer ses prises en charge sur les autres intervenants dont les dépenses augmentent.
- Toujours pour respecter l’ONDAM tout en maintenant grosso modo sa part dans la prise en charge globale, la Sécurité Sociale tend à réorganiser ses pries en charge : face à la charge croissante des gros risques, hospitalisation et maladies chroniques, elle restreint sa prise en charge des petits risques, ceux auxquels la population est le plus sensible. Nous y reviendrons.
II – Les complémentaires santé
On leur reproche, à juste titre, d’être de plus en plus chères et de grossir leurs tarifs jusqu’à 5 % par an. Elles ne manquent d’ailleurs de s’abriter derrière l’inéluctable augmentation des dépenses de santé, mais, à leur décharge, il faut dire que les Pouvoirs Publics n’y sont pas pour rien. En effet, considérant que 95 % des ménages sont couverts par une complémentaire Santé, l’Etat a trouvé commode de les utiliser comme collecteurs d’impôt. Il existe ainsi deux taxes qui représentent au total environ 13% du montant des cotisations : la Taxe Spéciale sur les Contrats d’Assurance (TSCA) et une taxe qui finance la Couverture Maladie Universelle-Complémentaire (CMC-C), de plus en plus controversée.
Cela dit, le monde des complémentaires Santé n’est pas sans reproches. Il compte encore beaucoup trop d’intervenants de petite taille et en concurrence – voir tableau ci-dessous- ce qui ne contribue pas à faire baisser leurs coûts de gestion (administration, publicité, commercialisation …) même si beaucoup de regroupements s’opèrent. C’est d’ailleurs un point opaque qu’il conviendrait d’éclaircir, nombre d’experts estimant que les frais de gestion sont souvent trop importants (de 15 à 25 % se murmure-t-il). A quand la transparence ?
Nombre d’organismes de complémentaire Santé | 2005 | 2012 | 2012/2005 |
Mutuelles (Code la Mutualité | 763 | 414 | – 46 % |
Mutuelles substituées * (Code de la Mutualité) | 507 | 200 | – 71 % |
Compagnies Assurance (Code des assurances) | 103 | 96 | – 7 % |
Institutions de Prévoyance (Code de la Sécurité Sociale) | 48 | 29 | – 40 % |
Total | 1 421 | 739 | – 48 % |
* les mutuelles substituées sont des mutuelles qui ont confié à un autre organisme tout ou partie du risque qu’elles doivent gérer et tout ou partie de leur administration y compris la collecte des cotisations et la distribution des prestations.
Entre les taxes et les frais de gestion, c’est donc plus du quart des cotisations qui n’est pas consacré à la mission première des complémentaires santé.
Confrontés à cette multitude d’intervenants dont chacun propose une gamme diversifiée de prestations, il est difficile pour le particulier d’identifier le régime le mieux approprié à sa situation, ce qui est confirmé par l’existence sur Internet de comparateurs … pas toujours aisés à interpréter.
Ajoutons à ce tableau la tendance de la sécurité sociale à diminuer les remboursements des petits risques qui ne sont guère couverts qu’à hauteur de 50/55%, ce qui augmente d’autant la charge des complémentaires ou des budgets familiaux. Le sentiment se développe selon lequel les complémentaires sont vraiment très chères et certaines (les 5% évoqués plus haut) renoncent à s’en procurer, une soit que leur poires, dans le budget devienne insupportables, soit que, par un raisonnement financier, l’intéressé choisisse d’être son propre assureur.
Certaines catégories modestes sont aidées pour se procurer une complémentaire grâce à la CMU-C et l’ACS (Aide à l’Acquisition d’une mutuelle Santé). La plupart des actifs sont également aidés, tant par l’entreprise qui prend en charge une partie de la cotisation que par l’Etat qui défiscalise la cotisation payée par les intéressés si leur contrat est obligatoire.
Et les retraités dans tout cela ? Ils subissent une quintuple peine.
- Cotisation majorée jusqu’à 50 % au passage en retraite en application de la loi Evin
- Pas de participation de l’entreprise alors que c’est souvent le cas des actifs
- Pas de déductibilité fiscale puisque leur régime n’est pas obligatoire
- Progression de la cotisation avec l’âge au mépris de l’esprit mutualiste
- Poids plus lourd des taxes, qui exprimées en % pénalisent les retraités dont les cotisations sont plus élevées
Est-il vraiment légitime que les retraités soient aussi lourdement pénalisés ?
Plusieurs raison d’espérer
- Tout d’abord, la tendance à la diminution du nombre d’intervenants, déjà largement amorcée depuis 2005, va se poursuivre. On est en droit d’en attendre beaucoup de regroupements, ce qui devrait permettre une baisse générale des frais de gestion, et la phase de digestion achevée, un frein sur les cotisations.
- Un accord qui devrait faire date, c’est l’accord National Interprofessionnel (ANI du 13 janvier 2013).
- Il est opportun aussi de rappeler qu’une partie de nos compatriotes, en Alsace Moselle bénéficient d’un régime spécial qui leur donne entière satisfaction
A suivre l’accord national interprofessionnel, le régime d’Alsace-Moselle
Article paru dans le Courrier des retraités Décembre 2014
& Pierre Erbs
Lien vers le site : http://www.retraites-ufr.com