Longtemps reléguée aux marges du débat public, la vie affective et intime des personnes âgées demeure l’un des tabous de notre société. C’est ce que rappelle le rapport “ Vie affective, intime et sexuelle des personnes âgées – pour en finir avec les idées reçues “ publié en septembre 2022 par les Petits frères de pauvres. Il dresse un constat sans appel : le désir, la tendresse, l’amour et la sexualité ne s’éteignent pas avec l’âge mais continuent d’être ignorés, voire niés, tant dans les représentations sociales que dans les politiques publiques.
Quelques enseignements du rapport sur la vie affective intime et sexuelle des seniors
Le sentiment amoureux perdure quel que soit l’âge : 94 % des seniors se déclarent amoureux de leur conjoint, et 65 % d’entre eux affirment l’être pleinement. Pour les aînés, l’essentiel dans le couple reste la complicité, le rire et les confidences. Les relations intimes, les gestes de tendresse, comme s’embrasser (48 % des répondants) ou se tenir la main (38 %), conservent une grande importance pour une majorité d’entre eux. Ces résultats viennent contredire les idées reçues sur les vieux couples, qui seraient censés ne plus avoir de raisons de communiquer ou de s’aimer en raison de la longévité de leur vie commune.
Pour 71 % des personnes âgées, un corps qui vieillit peut rester désirable et 41 % des 80 ans et plus se trouvent séduisants. Au-delà de l’âge, la séduction et l’estime de soi restent des aspects essentiels de la vie affective.
Interview d’Ida-Marie Ngela MANDALA, sexologue et sexothérapeute
La sexualité des seniors reste un sujet tabou, surtout aux Antilles. Pourquoi est-il important d’en parler ?
Il faut dédramatiser et déconstruire les stéréotypes, notamment celui selon lequel la sexualité cesse avec l’âge. Les seniors doivent se dire : « Moi aussi, j’ai droit à une vie sexuelle et affective jusqu’à la fin de ma vie ». Quand on n’en parle pas, cela reste un tabou et beaucoup, souvent par peur ou par sentiment de ne pas y avoir droit, hésitent à évoquer leur vie intime. Cela maintient l’idée que les seniors ne sont pas actifs sexuellement ou qu’ils doivent être perçus uniquement comme des grands-parents asexués.
Comment la sexualité évolue-t-elle avec l’âge ?
Elle évolue au fil de la vie, et ce, à différents niveaux. Sur le plan physique, le vieillissement du corps affecte nos capacités sensorielles (audition, toucher, etc.), ce qui peut avoir un impact sur la sexualité.
Sur le plan émotionnel, plusieurs événements peuvent influer sur la sexualité, comme le veuvage ou les séparations. Certains ne envisagent pas de se remettre en couple après le décès de leur partenaire. Le départ des enfants peut amener certains couples à se retrouver seuls, après avoir centré leur vie autour d’eux, et à devoir redécouvrir leur relation.
La retraite permet à certains de prendre davantage soin de leur santé, de s’adonner à des loisirs ou au sport. L’espérance de vie étant plus longue, les seniors sont plus actifs et prennent soin de leur bien-être, y compris en matière de santé sexuelle. Les aidants familiaux, si le partenaire est malade, peuvent également voir leur vie sexuelle impactée. De plus, le placement en EHPAD modifie souvent la norme car les seniors y sont généralement célibataires.
Quels conseils donneriez-vous aux seniors pour avoir une vie épanouissante ?
Il faut s’autoriser à vivre pleinement, sans penser que tout est « fini avec l’âge ». Les seniors ont tout à fait le droit de prendre soin d’eux, de se sentir désirables et épanouis. Il est important de se libérer de la honte et de parler ouvertement de ses besoins, que ce soit à travers le toucher, les massages ou d’autres gestes de bien-être. S’aimer soi-même est essentiel pour une vie sexuelle épanouie : se dévaloriser rend cela difficile.
Un bon exercice consiste à se regarder dans le miroir avec indulgence et à avoir une vision positive de soi-même. La vie sexuelle commence par soi-même : être à l’aise avec son corps et ne pas se limiter à l’idée de simplement “ donner ” à l’autre fait toute la différence.
Chaque senior doit pouvoir ajuster ses pratiques selon ses préférences et ses capacités, et en discuter ouvertement avec son partenaire. Communiquer sur ses désirs, ses peurs et ses besoins avec bienveillance, tout en comprenant ceux de l’autre, est essentiel. L’écoute des émotions et l’entretien de l’imaginaire sont les clés pour maintenir une vie intime épanouie.
Les sexologues et sexothérapeutes sont là pour répondre aux questions, surtout face aux représentations culturelles ou morales qui peuvent freiner l’épanouissement, notamment celles héritées de la morale judéo-chrétienne. Les femmes, en particulier, ont souvent été éduquées à se concentrer sur les besoins des autres, au détriment des leurs.

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