Le rôle des aidants familiaux sont de plus en plus au cœur d’une société vieillissante. Accompagner un proche en perte d’autonomie bouleverse la relation que l’on a avec son proche mais aussi son propre quotidien. Les contraintes qui s’imposent sont multiples et peuvent avoir des conséquences surprenantes ! Quels sont les contraintes et les risques ?
Peu de temps pour soi
La moitié des aidants vivent avec leurs proches. 26 % des aidants viennent au moins une fois par jour. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), la charge de travail directement liée à ce rôle est de six heures par jour pour une personne atteinte par la maladie d’Alzheimer ! Il devient difficile de trouver du temps pour les loisirs, les sorties ou pour partir quelques jours. C’est une aide sur le long terme. Trois quarts des aidants le sont depuis au moins 4 ans et 34 % depuis au moins 10 ans (1). Car contrairement aux enfants, l’aide apportée ne peut se délimiter dans le temps.
Difficile lorsqu’il faut également conjuguer vie professionnelle, vie familiale et vie conjugale. « Ma femme s’occupait de sa mère malade à Saint François alors que nous habitions à Pointe à Pitre ! Elle s’est mise à dormir de plus en plus souvent là-bas. J’ai lutté pour mon couple mais je ne la voyais plus. La distance physique et affective s’est creusée. Aujourd’hui, nous avons divorcé » relate Arthur, 42 ans, amer.
Des aidants épuisés
Très souvent, l’aident se sent démuni face à une maladie dont il ne comprend pas réellement les mécanismes. « Les maladies neuro-dégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, reste les plus difficiles à gérer pour les aidants » assure Joëlle Albert, directrice d’une plateforme pour les aidants « Aloïs ».
A la charge psychique continuelle de l’autre (car l’aidant se soucie en permanence de son proche) s’ajoute celle de soit. Si l’aidant cumule en plus une autre charge de travail, professionnelle ou familiale, le syndrome d’épuisement psychique, le burn out, n’est jamais loin. Parmi les aidants, 9 sur 10 se disent fatigués moralement et 8 sur 10 éprouvent une fatigue physique (2).
Cet épuisement peut entraîner rapidement une souffrance psychologique silencieuse. « En Guadeloupe, les gens n’aiment pas se plaindre. On veut faire croire que l’on est fort et que l’on peut tout vaincre », déplore Joëlle Albert. Les croyances spirituelles, religieuses peuvent induire (que cela soit réel ou non) le don de soi et la notion de sacrifice. « L’aidant peut rentrer dans une spirale négative car la charge émotionnelle devient trop dure. Ou alors, dépassé, il préfère fuir » constate la directrice d’Aloïs.
Des aidants qui négligent leur propre santé
48 % des aidants déclarent avoir une maladie chronique, selon une enquête Handicap-Santé. Ils sont 18 % à déclarer avoir renoncé à des soins au cours de 12 derniers mois alors qu’ils ressentaient le besoin ! « L’enjeu est le développement de soutiens leur permettant de concilier vie personnelle et accompagnement d’un proche en perte d’autonomie, mais également la prévention de la détérioration de leur propre état de santé », rapporte l’Insee Antilles-Guyane et l’ARS Guadeloupe à propos des aidants (3). Car un tiers des aidants meure avant le proche aidé de 60 ans et plus et même 40 % dans le cas de maladie d’Alzheimer (4).
Des problèmes professionnels
Parmi eux, près de la moitié exercent une activité professionnelle (3). Valérie a 25 ans. Elle est seule parmi 8 frères et sœurs à s’occuper de son père atteint d’un cancer. Elle vient de trouver un emploi « Je n’ai plus le temps d’aller à mon travail. Je cumule les absences car mon père ne veut pas aller seul en chimiothérapie. Mon coup bat de l’aile, mais que faire ? Le laisser seul ? Je ne m’en sens pas le courage » témoigne-t-elle, désarmée.
Trois quarts des aidants ont dû s’absenter au cours de 12 derniers mois en dehors des congés payés. Pour faire face et quand cela est possible, les aidants négocient des aménagements dans leur vie professionnelle. Cependant avec le vieillissement de la population, comment prendre soin des personnes dépendantes, tout en travaillant « plus pour gagner plus ». Certains cumulent deux boulots. « J’ai dû m’occuper de mon grand-père malade alors que j’étais en alternance. Je travaillais aussi le week-end pour joindre les deux bouts », déplore Marilène, 22 ans.
D’autres ont dû arrêter leur travail suite à la dégradation de l’état de santé du proche, « Je pense demander une rupture conventionnelle et me mettre au chômage. Au moins, je n’aurais plus à me casser la tête pour m’organiser ! », confirme Marilène. Ces situations ne peuvent plus rester aux portes de l’entreprise.
Sources
- « Les aidants familiaux en France », panel national des aidants familiaux BVA Fondation Norvartis, 2010
- Soullier N., « Aider un proche âgé à domicile : la charge ressentie », Etudes et résultats, Drees, 2012
- Antinéchos, Ali Benhaddouche, Insee Antilles-Guyane – Latifa Place, ARS Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélémy. « En Guadeloupe, le doublement du nombre de personnes âgées dépendantes d’ici 2030 crée de nouveaux besoins », Antine Echos n° 23, janvier 2013
- 8ème baromètre autonomie OCIRP – France Info – Le Monde, 2015
Retrouvez le magazine Génération + dans les lieux de distribution habituels