Le secret médical est un dogme, base de la relation de confiance entre le patient et son médecin. Il date d’Hippocrate. Le médecin peut-il s’en affranchir, voire doit-il le faire ? Le débat est ouvert.
Le suicide du pilote d’un vol de la German Wings qui a fait s’écraser son avion le 24 mars 2015 dans les Alpes françaises, les violences faites aux femmes (ou aux hommes), les agressions sexuelles mettent ce problème dans le débat public. Qu’en est-il ?
Le principe du secret médical est clair
« Le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. »
C’est un principe général et absolu
Il est d’ordre public.
Sa violation peut donner lieu à des sanctions :
- Pénales (art. 226-13 du code pénal),
- Civiles (art. 1240 du code civil),
- Ou de l’ordre
Vu ainsi le problème paraît simple et sécurisant. La réalité est en fait beaucoup plus complexe.
Comment dans la majorité des cas le médecin peut-il attester de faits dont il n’a pas été le témoin et qui ne se basent que sur ce que rapporte le ou la patient(e) ?
Les conséquences professionnelles et juridiques peuvent être dramatiques pour lui si la réalité a été maquillée.
Des médecins sont régulièrement condamnés pour avoir délivré des certificats rapportant les dires de patients sur des faits qu’ils n’ont pas eux-mêmes constatés et qui peuvent être considérés comme diffamatoires pour la personne mise en cause, ce qui n’échappe pas aux avocats.
Quand bien même le médecin aurait assisté à une situation de maltraitance, la confiance que le patient place en lui, basée justement sur le secret médical, serait écornée et nous savons tous que, notamment, en cas de violences faites aux femmes, les rapports entre maltraitée et maltraitant sont complexes et expliquent souvent que les femmes (ou les hommes) tardent à dénoncer les faits pouvant aboutir hélas à des catastrophes.
Le problème se complique du fait que le médecin traitant, qui connaît l’ensemble de la famille, recueille les confessions des deux protagonistes qui, en l’état, le font sous le sceau du secret en toute confiance.
Il existe toutefois des dérogations
En cas de forte présomption, le médecin peut, le moment venu, appliquer la loi et les recommandations et signaler les faits aux forces de l’ordre ou au parquet. Cela se pratique normalement pour les mauvais traitements aux enfants. C’est une dérogation au secret médical. Ce faisant, il court le risque que l’agressivité, voire la violence, se retourne contre lui. Un tel comportement porté à la connaissance de sa patientèle entraînerait de facto la perte de confiance de ses patients. Or, sans cette confiance, comment exercer sereinement la médecine ?
Dans une telle situation de forte présomption, le médecin peut se faire aider d’une consultation à l’unité médico judiciaire qui a un œil expert et peut également faire un signalement.
De même, une hospitalisation peut aussi permettre de confirmer le diagnostic. Les lésions disparaissant pendant la durée de l’hospitalisation, les médecins peuvent alors effectuer un signalement.
La responsabilité du législateur sera lourde. Il ne pourra être qu’après une large concertation entre les politiques, le conseil de l’ordre des médecins, les associations de patients (qui, notons-le, ne sont pas favorables à la disparition du secret médical car elles mesurent les effets collatéraux) et les services sociaux.
Pierre Lévy
Article paru dans le Courrier des retraités n°56
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