Le Dr. Chatot Henry, gériatre et auteur de deux premiers ouvrages, a récemment publié le livret Mémo’Kwasé pour permettre aux lecteurs de (re)découvrir la Martinique tout en stimulant leur mémoire.
Pourquoi vous lancer dans la rédaction de Memo’Kwasé ? Part-il d’un constat, d’un manque ?
Mémo’Kwasé est un concept différent des deux autres ouvrages.
Le 1er est un guide culturel, destiné à mieux connaitre le territoire de la Martinique et son histoire. Il regroupe de nombreux interviews pour expliquer l’Antan Lontan jusqu’à nos jours. Beaucoup de Martiniquais qui l’ont lu, m’ont dit avoir (re)découvert des pans culturels oubliés ou occultés. Je n’ai fait que donner la parole aux locaux pour raconter leur quotidien.
Le 2ème livret propose des exercices autour de la tradition martiniquaise, avec des sujets comme le bèlè, le bakoua … Une partie des textes est à apprendre puis des questions suivent, dans l’idée de mémoriser et de stimuler les fonctions exécutives (organisation, planification…), que le vieillissement amenuise. Comme il s’agit de sujets liés au patrimoine martiniquais, la mémoire autobiographique est ainsi valorisée. Dans un 1er temps, il était destiné au binôme aidé/aidant, mais le public l’a plébiscité…. Il est utilisé par un large public, y compris les enseignants, les professionnels de la santé, et les grands-parents souhaitant transmettre à leurs petits-enfants de façon ludique
Mémo’Kwasé est à la croisée des deux livres précédents. Il est un jeu cérébral avec 40 grilles de mots croisées, invitant à se « creuser les méninges ». Il reste centré sur la tradition et le terroir martiniquais par des échappées linguistiques. Le touloulou ou la bwadjak ne sont pas connus de tous … La rédaction de cet ouvrage est aussi en lien avec le blog familyevasion.com, que j’anime depuis 2017. Son écriture ne part pas d’un constat, d’un manque mais d’une envie de partager les innombrables trésors de l’île.
Pouvez-vous le présenter en quelques mots ?
Le livret comporte 88 pages, dont 40 grilles de mots croisées avec leurs solutions au verso. Chaque grille est introduite par un proverbe créole, dont la traduction et la moralité se découvrent en deçà. Les définitions s’approchent régulièrement de lieux, de recettes ou de mots propres à la Martinique. Un espace est dédié à l’apprentissage de nouveaux vocabulaires. Les illustrations permettent d’indicer une des définitions de la grille. Elles peuvent être reproduites pour continuer un travail en dehors du livret.
Un QR-code permet d’accéder au blog familyevasion pour compléter la thématique. Le piment, la mangrove, la recette de lapo seyen etc… sont ainsi disponibles par l’article à télécharger. Ces pages consultées à plusieurs peuvent se définir comme un jeu de piste. La connaissance est la clef de Mémo’Kwasé tout en s’amusant.
Est-il le fruit de collaborations ?
Ce travail a été conçu seule, en période covid, donc en isolement forcé. Mais des aides précieuses ont permis de créer cet outil pédagogique. L’artiste-peintre Divine a offert une de ses œuvres pour la couverture et des proches ont performé la présentation.
Vous êtes gériatre, spécialiste de la mémoire parfois oubliée de nos seniors. Pourquoi est-il important d’exercer sa mémoire surtout à partir d’un certain âge ?
A partir de 50 ans, le pic d’incidence des maladies chroniques apparait. Il s’agit d’un âge « crucial » où la prévention prend tout son sens, même si celle-ci doit nous habiter dès notre plus jeune âge. Les modifications sont parfois visibles comme l’apparition des rides ou une prise de poids… mais la mémoire, de façon insidieuse, est également touchée par le vieillissement. D’où un entrainement cérébral indispensable, comme un entrainement physique pour l’entretien des muscles. Là ce sera pour le cerveau et ses neurones ! D’ailleurs neurogénèse et plasticité cérébrale sont au cœur de cette bataille. En deux mots, « méninger » pour faciliter la conduction nerveuse des neurones et leur multiplication… support de la mémorisation.
Pourquoi « cruciverber » ?
Avec l’avancée en âge… tout se transforme !
Ne croyez pas que le cerveau soit épargné… Il diminue – en performance – comme tous les organes de notre corps. Il convient de « travailler ses méninges » pour lutter contre le déclin cognitif, qui est malheureusement inéluctable. Réfléchir, se souvenir, apprendre… sont donc des créneaux cérébraux pour maintenir des capacités qui s’entachent avec les années.
Ainsi la mémorisation est testée, challengée par la recherche de centaines de définitions incluses dans Mémo‘Kwasé. Vous ferez appel à différentes mémoires grâce à vos souvenirs (mémoire autobiographique), à vos connaissances (mémoire sémantique). Toutefois certains mots resteront introuvables ou seront découverts par le jeu des croisements des lettres. L’effort cérébral permettra alors l’activation de neurones parfois non sollicités, surtout par des instants routiniers après la retraite.
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
Oui… Le volume 2 de Mémo’Aid est en cours de parution, avec le soutien de Sabine Andrivon-Milton, qui en est l’éditrice. Et d’autres idées germent pour la constitution d’outils au service de nos ainés.