Suite de notre entretien avec le Dr Carolle Chatot-Henry sur la maladie d’Alzheimer avec des conseils à destination des aidants familiaux.
Quel est le rôle des aidants dans ce cas ?
Le diagnostic – bien souvent suspecté par la famille – doit être confirmé par des médecins spécialistes en consultation mémoire (neurologue, psychiatre ou gériatre). Cela permet aux aidants de mettre en place une logistique humaine et matérielle pour répondre au mieux à une maladie qui s’aggrave vers une dépendance médico-psycho-sociale totale. Bien souvent ils sont au cœur d’un accompagnement de leur parent malade entre les différentes consultations médicales, les démarches administratives (carte d’invalidité, impôts..), les activités ménagères (denrées alimentaires etc.), mais aussi la gestion de conflits qui peuvent s’installer entre conjoint ou fratrie car le trouble du jugement du parent entraine des incompréhensions de part et d’autre.
Devant la perte des repères temporels et spatiaux, des difficultés d’expression, l’aidant se retrouve à gérer au quotidien une personne en détresse qui l’exprime par de multiples signes sans formuler le mot « aide ». Il s’agit pour l’Aidant de soutenir, accompagner, répondre, sécuriser, écouter, gérer, décider… la charge quotidienne de l’aidant étant bien souvent plus élevée pour un parent atteint de la maladie d’Alzheimer qu’un autre. Lorsque la maladie est présente dans une famille, toutes les générations sont impactées avec des petits-enfants qui sont dans l’incompréhension d’être accusés à tord de substituer des objets par exemple.
Quels conseils donneriez-vous aux aidants familiaux s’occupant d’un parent atteint de la maladie d’Alzheimer ?
Répondre à leurs besoins propres et ne pas s’oublier. Ils doivent garder en objectif leur projet de vie sans occulter leur rôle de conjoint et de parent avec la vie sociale que cela implique.
Prendre du temps pour soi (nommé répit par la loi de janvier 2016) permet d’accompagner au mieux et d’avoir la patience nécessaire pour répondre à un comportement inhabituel du parent : en effet, des stéréotypies gestuelles comme « vider l’armoire de multiples fois, des questions répétitives, l’accusation de vol possible… sont des facteurs quotidiens de souffrance morale et d’épuisement. Une agressivité verbale est possible envers une personne ciblée de l’entourage, ce qui entame l’estime de soi et la dévalorisation des actes entrepris, d’où des affects dépressifs chez l’aidant.
Partager au sein de la famille des difficultés ressenties et se faire aider si possible par le voisinage car le parent peut avoir tendance à fuguer pour retourner sur un lieu d’enfance.
Connaître ses droits et celui du malade est important : la maladie d’Alzheimer est une maladie de longue durée d’où une prise en charge à 100 % demandée par le médecin traitant et accordée par la sécurité sociale. Une allocation personnalisée autonomie donne lieu à un plan individualisé pour optimiser le lieu de vie.
Des professionnels de santé ou médico-sociaux peuvent épauler l’aidant dans un réseau de soins qui optimise le maintien de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer à son domicile. Les équipes spécialisées Alzheimer à domicile, la plate-forme de répit et d’accompagnement des aidants familiaux… apportent un relai conséquent.
Sécuriser l’hébergement par la domotique est un moyen supplémentaire non négligeable.
Mettre en place des pauses à intervalles réguliers avec des groupes de parole où entraide et soutien moral sont partagés par des aidants qui connaissent les mêmes difficultés, des associations comme France Alzheimer, la Croix Rouge et bien d’autres, des réseaux de santé comme le réseau gérontologique avec le dispositif M.A.I.A (méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie) ou le réseau RAM « autonomie Martinique ». Les C.L.I.C (centres locaux d’information et de coordination) peuvent orienter les aidants sur les différentes structures en place.
S’accorder un répit par des ateliers de ressourcement : la caravane itinérante des aidants, actuellement au Lamentin en est un exemple, mais aussi des centres d’accueil de jour ou centres d’hébergement temporaire (de quelques semaines à 3 mois maximum) accordent un temps libre à l’aidant tout en valorisant les capacités restantes de l’aidé. Différentes associations – souvent en partenariat avec la CGSS et l’ARS – ont mis en place des week-end de repos pour des aidants, des animations spécifiques et à multiples facettes, un soutien psychologique individuel ou collectif avec des outils partagés pour « faire face » au stress que peut engendrer les troubles psycho-comportementaux du parent.
Donner le relai à un personnel formé (qui assure une surveillance nocturne) comme le balluchonnage.
Comprendre la maladie par une formation adaptée aux attentes de l’aidant permet d’approcher les stigmates du parent que l’on ne reconnaît plus et amorce ce deuil « blanc », période d’un parent parfois méconnaissable au quotidien.
La protection juridique orchestrée par le tribunal de grande instance décline différents protections du majeur afin d’accompagner les actes liés au patrimoine ou autres mouvements d’argent. Le regard sur les finances du parent est indispensable d’autant qu’une perte possible de chéquiers, de pièces d’identité (qui seront en double et à l’abri) aggrave la situation déjà lourde à porter.
Sources : Sites CNSA.fr, service-public, pour les personnes-ages.gouv.fr