Joëlle Prevot-Madere, senior et figure emblématique de l’entrepreneuriat en Guyane, incarne la femme active et déterminée. Retour sur son parcours inspirant.
Quels sont les moments clés de votre carrière ?
Après un BTS en biochimie, j’ai travaillé à l’INRA à Paris puis dans un laboratoire médical en Guyane. Mon ambition était de créer un complexe sportif. Pour me constituer un apport, j’ai travaillé comme mannequin pendant plusieurs années et j’ai défilé pour de grands couturiers à Paris et à l’étranger. En 2004, mon rêve est devenu réalité avec l’ouverture de mon complexe sportif. Malheureusement, après dix ans, j’ai dû le fermer en 2014, faute de clientèle suffisante.
Après le décès de mon père en 1999, j’ai repris la gestion de son entreprise de transport de personnes, Transport Yves Prévot. Je ne connaissais rien à ce secteur. J’ai suivi une formation dans l’hexagone pour obtenir la capacité de transport.
Vous avez mené de front deux entreprises. Comment avez-vous géré ces responsabilités ?
Ce n’était pas facile. Dans le transport, il faut être opérationnel dès l’aube. Les imprévus, comme un chauffeur absent ou un bus en panne, sont fréquents. Il faut savoir réorganiser rapidement. La gestion d’une société de transport nécessite des connaissances en mécanique, que je n’avais pas au départ. J’ai appris sur le terrain, aux côtés des mécaniciens, en mettant la main à la pâte.
Comment avez-vous concilié votre vie familiale et vos responsabilités professionnelles ?
J’ai quatre enfants, dont des jumeaux. Cela a été un défi mais j’aime à dire que nous, les femmes, sommes prêtes à relever toutes sortes de défis et que nous réussissons à les surmonter. Cela dit, tout dépend aussi de l’éducation. Je dois reconnaître que j’ai eu des parents qui m’ont transmis des valeurs essentielles.
Quelles sont les valeurs qui vous guident ?
Les valeurs qui me guident trouvent leurs racines dans l’éducation que j’ai reçue de mes parents. Mon père, par son attitude et ses actions, m’a inculqué une profonde générosité et un sens aigu de l’entraide. Il était toujours prêt à aider son prochain, une leçon essentielle que j’ai faite mienne. J’ai compris que lorsque tout va bien dans son entreprise, il est de notre devoir d’accompagner ceux qui traversent des difficultés.
Dans nos territoires, où les entreprises opèrent souvent sur de petits marchés avec des contraintes spécifiques, il est crucial de ne pas rester isolé. C’est là une mission que j’ai toujours perçue comme essentielle et que j’ai héritée de mon père. Sa devise, « il faut aider », m’a profondément marquée, et je crois fermement que l’entraide est le ciment qui nous permet de surmonter les obstacles ensemble.
Ma mère, professeur de français, incarnait la rigueur. Elle me demandait de corriger moi-même les fautes dans les lettres que je lui envoyais (rires). Cet exercice m’a appris à produire des écrits sans fautes et m’a enseigné la patience et la persévérance. Pour cela, je lui en suis profondément reconnaissante.
Pourquoi vous êtes-vous engagée dans tant d’instances ?
Mon engagement découle de la conviction que les PME sont le moteur de nos territoires mais elles font face à des défis qu’il faut soutenir. Avec d’autres entrepreneurs, nous avons relancé une organisation patronale et créé la CPME Guyane en 2005. J’en ai pris la présidence pendant 15 ans à partir de 2006. J’ai été élue à la CPME nationale en 2016, où j’ai exercé un mandat de 4 ans qui a été renouvelé. Aujourd’hui, en tant que présidente d’honneur, je continue de défendre les intérêts des PME.
J’ai aussi exercé de nombreux mandats au sein de diverses instances notamment au sein de la CCIG.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent entreprendre ?
Il faut d’abord qu’ils sachent que s’ils veulent, ils peuvent y arriver. Il faut vraiment vouloir entreprendre et comprendre qu’on ne crée jamais seul. C’est une aventure collective où il faut convaincre les autres de faire avec soi. Il est aussi important d’écouter les conseils des anciens, car cela permet d’éviter des erreurs et de progresser plus rapidement.
Je leur dirai aussi qu’il faut savoir écouter les conseils des anciens. Cela peut leur éviter bien des erreurs. Les défis forgent l’individu et c’est grâce à cette transmission que les jeunes peuvent progresser plus rapidement. Si les jeunes écoutaient les seniors, ils se rendraient compte que cela leur permettrait d’aller beaucoup plus vite dans leurs projets. Cela leur éviterait de traverser certaines étapes difficiles que les seniors ont vécues. Il est dit que chacun doit vivre ses propres expériences, mais si on peut éviter certaines souffrances, pourquoi ne pas écouter les conseils des anciens ?