Nous avons rencontré Marie-Eugénie ANDRE, Présidente de l’ARMECI (Association pour la Réalisation et la Mise en Exploitation d’une Crèche Interentreprises), senior active et impliquée dans la vie de notre île. Elle est à l’origine d’un concept innovant, la crèche d’interentreprises : elle évoque les changements dans notre modèle familial martiniquais.
Faut-il être nostalgique du modèle familial martiniquais du siècle dernier ?
L’évolution des normes sociales et des modes de vie à la Martinique se traduit par une situation alarmante en matière de garde d’enfants et plus particulièrement des enfants de moins de 3 ans.
Face à ce constat alarmant et aux problèmes rencontrés par les parents salariés ou à la recherche d’un emploi, j’ai proposé au Club Soroptimist de Fort de France, dont j’ai assumé pour la seconde fois la présidence, de se préoccuper de cette problématique en lançant en 2006 une étude faisabilité afin de construire une crèche interentreprises.
Elle a révélé que le ratio, nombre de places en accueil permanent (crèche collective et assistantes maternelles) sur nombre d’enfants de moins de 3 ans, est de 17% en Martinique alors que dans l’Hexagone il est de 41%.
Pourquoi un tel écart ?
Le jour de l’inauguration, le 24 octobre 2013, je n’ai pas manqué, sous forme de boutade, de signaler que la garde des jeunes enfants était de plus en plus préoccupante en Martinique, car les grand-mères s’adonnaient au fitness ou à la Zumba pour se maintenir en forme et que les arrières grand-mères passaient leur temps en croisière.
Devrait-on le leur reprocher ? Les séniores n’auraient-elles pas le droit d’occuper leur temps comme elles l’entendent, surtout après une dure vie professionnelle ?
S’il est vrai que la garde des enfants ne se posait pas avec une telle acuité aujourd’hui, c’est parce que les familles étaient élargies avec la présence d’une grand-mère, d’une tante, voire même d’une petite cousine arrivant de sa campagne pour se socialiser un peu, que les emplois familiaux n’étaient pas encore réglementés et que le non-travail n’était pas rémunéré comme de nos jours.
Au début du siècle dernier, le recours à la crèche ne se justifiait donc pas. Les crèches publiques n’ont connu leur développement qu’au cours de la seconde moitié du siècle dernier.
A noter toutefois, cette admirable initiative privée de Mmes Fernanda ROY-CAMILLE, présidente en 1965 du 1er Club soroptimist de l’Outre-mer et de Rose YANG-TING qui, dans les années 1930, ont fait fonctionner avec leurs propres fonds une crèche sur une exploitation bananière dans le Nord de la Martinique pour permettre à des ouvrières agricoles de s’adonner à leurs tâches. C’est à croire qu’à cette époque déjà, la question se posait pour des femmes de famille habitant en pleine campagne.
En réalité, les raisons de cette mutation quant au mode de garde sont de nature très diverse et trouvent leur justification aussi bien dans les évolutions institutionnelles des DOM en 1946 que dans la paupérisation de la population martiniquaise qui a conduit à une baisse de l’emploi direct à domicile soumis lui aussi à des contraintes légales, fiscales et sociales. Mais les contraintes financières des communes n’allaient tarder à poindre et à freiner la construction de crèches municipales.
L’aide à la petite enfance devenait un objectif central des politiques familiales, pour lutter contre une démographie manifestant déjà des signes de vieillissement et pour répondre à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
La Martinique n’échappait pas à ces deux constats.
Compte tenu des résultats de l’étude de faisabilité, le Club Soroptimist de Fort de France a fait le choix de construire une crèche interentreprises d’autant que la Conférence de la Famille de 2003, la loi de Finances de 2004 et les orientations de la CNAF venaient de modifier profondément le cadre financier et fiscal des projets de crèches d’entreprises.
Cette loi prévoit que les places de crèche réservées par les entreprises ne constituent nullement un avantage en nature.
Les aides comprennent :
- Une « prestation de service unique » versée par la CAF au gestionnaire de la crèche venant en complément de la participation des familles aux frais de garde
- Un crédit d’impôt famille soit 50% des charges engagées et l’imputation des charges dans le compte d’exploitation, soit une déduction fiscale de 33,33%.
Par ailleurs, la CGSS de la Martinique a, dans le cadre de son programme d’action de prévention de risques d’accidents trajet domicile-trajet, mis en place un dispositif en vue d’améliorer les conditions de déplacement des salariés et de diminuer la durée de ces déplacements. Les entreprises peuvent bénéficier d’aides financières leur permettant de réserver des berceaux pour leurs salariés exerçant leur activité ou habitant dans un périmètre proche de la crèche interentreprises.
L’aide financière revêt 2 formes :
- pour les TPE-PME de moins de 50 salariés, l’aide financière simplifiée pouvant atteindre 30% des sommes avancées par l’entreprise dans la limite de 25 000€.
- Pour les entreprises de 51 à 200 salariés, une aide mise en œuvre conjointement par la Caisse et l’entreprise.
Si le modèle familial martiniquais a, depuis quelques années, subi de légitimes mutations, en contrepartie de très nombreuses dispositions ont permis de répondre aux besoins de garde d’enfants des salariés et de permettre aux grand-mères et arrière grand-mères de s’adonner à leurs loisirs !