Elles ont les mains parcheminées, le geste sûr et la mémoire pleine de recettes oubliées. À plus de 70, parfois même 100 ans, ces mamies cuisinières tiennent encore les rênes d’un restaurant, d’un projet ou d’une cuisine devenue emblématique. Leur quotidien, rythmé par les gestes précis, les préparations minutieuses et l’accueil généreux, ne fait pas que régaler le monde : il entretient aussi leur vitalité. Tour du monde de ces mamies qui font tourner des restaurants ou animent des chaînes culinaires comme on ouvre la porte de sa maison.
Leur point commun ? Le goût du partage
Qu’elles cuisinent dans une grande ville ou dans un village reculé, ces mamies ont toutes les désirs de partager une cuisine authentique. Elles ne recherchent ni la célébrité ni la reconnaissance. Ce qui compte pour elles, c’est de perpétuer un savoir, un lien, une mémoire. Et c’est précisément cette sincérité qui touche.
Doña Ángela – Michoacán, Mexique
Depuis son potager, cette grand-mère mexicaine filme ses plats comme autrefois : tortillas, salsas, ragoûts … Une cuisine simple filmée dans sa cour ou sa cuisine. Doña Ángela vit à Pablo Cuin, dans la municipalité d’Ario de Rosales, au Michoacán.
Doña Ángela est devenue l’une des figures les plus populaires de la cuisine mexicaine sur Internet. Sa chaîne YouTube « De mi rancho a tu cocina » (De mon ranch à ta cuisine) est un succès phénoménal, avec près de 4,5 millions d’abonnés. Chaque vidéo débute par sa phrase devenue culte : « Hola mi gente, bienvenidos a mi rancho » (« Bonjour mes amis, bienvenue dans mon ranch »).
Deux mois après la publication de sa première vidéo en 2019, Ángela Gardias comptait plus de 100 000 abonnés. Aujourd’hui, elle est suivie par plus de 6,4 millions de personnes sur Facebook et près de 450 000 sur Instagram.
En 2020, elle a été nommée par le magazine Forbes parmi les 100 femmes les plus influentes du Mexique, aux côtés de personnalités connues comme Claudia Sheinbaum, première femme à diriger la ville de Mexico.
Enoteca Maria – New York, USA
À Staten Island, dans un quartier populaire de New York, le restaurant Enoteca Maria est une adresse unique en son genre : ce sont des grands-mères du monde entier (The nonnes of the world) qui y cuisinent, chacune à tour de rôle. Le concept, imaginé par Joe Scaravella, est né après la perte de sa propre mère. Il décide alors de faire appel à des “nonnas” (grand-mères) italiennes pour cuisiner des plats traditionnels en 2007 … puis étend l’idée aux cuisines du monde : Syrie, Algérie, Cap-Vert, Japon, Argentine…
Chaque jour, la carte change selon l’origine de la nonna du jour. Résultat : une cuisine authentique et servie dans une ambiance familiale. Plus qu’un restaurant, c’est un musée vivant de la mémoire culinaire mondiale, animé par celles qui en sont les gardiennes naturelles.
Le succès du concept a donné naissance à un film, Nonnas, disponible sur une plateforme de streaming bien connue. Le restaurant, aujourd’hui pris d’assaut, affiche complet des semaines à l’avance.
Mastanamma – Andhra Pradesh, Inde
Elle a été la plus vieille star culinaire de YouTube : Mastanamma, 106 ans, cuisinait dans un champ, sur un feu de bois, au milieu de bananiers et de volailles. Mastanamma cuisinait sans artifices, mais avec une dextérité fascinante. Filmée par son arrière-petit-fils, elle a conquis le monde entier avec ses recettes rustiques comme le curry de poulet dans une pastèque, les poissons grillés dans des feuilles ou des chutneys maison.
Elle est devenue une figure mondiale de la cuisine de survie et de tradition, avant de décéder en 2018.
Nonna Romana – Brooklyn, USA
Nonna Romana cuisine aux côtés de sa petite-fille Rossella dans l’émission Cooking with Nonna, devenue culte chez les Italo-Américains. Ensemble, elles cuisinent les classiques italiens- pâtes maison, polpette, gnocchis – et racontent les histoires familiales qui y sont liées.
Au fil des années, le duo a publié plusieurs livres, lancé une boutique en ligne, organisé des voyages culinaires. Leur chaîne YouTube Rossella’s Cooking with Nonna compte des dizaines de milliers d’abonnés fidèles. Leur devise résume tout : « La cucina della nonna, c’est bien plus qu’une recette, c’est une histoire. »
Et chez nous ?
En Martinique, en Guadeloupe, en Guyane ou dans l’Hexagone, nos mamies cuisinent encore pour des proches ou lors des fêtes familiales. Certaines ont peut-être un savoir unique, transmis sans être écrit. Peut-être serait-il temps, nous aussi, de les écouter, de les filmer et de les valoriser.




