L’exemple de l’Allemagne et du Japon
Le foisonnement des études et colloques sur le sujet du marketing des seniors témoigne des enjeux lourds de conséquences pour les entreprises. Tout en étant convaincues qu’il faudra compter avec les plus de 50 ans, elles sont souvent démunies face au discours à privilégier, à l’angle d’attaque à adopter pour adapter leur stratégie commerciale à ce groupe hétérogène mais désormais incontournable.
Les pratiques du secteur privé sont aussi intéressantes à analyser pour compléter l’arsenal réglementaire proposé par les pouvoir publics pour faire face au vieillissement de nos populations. Les mesures nationales ou régionales visant à une meilleure prise en charge et une facilité pour les aînés se sont multipliées, améliorant le cadre de vie et poussant à une prise de conscience de l’augmentation du nombre de personnes en perte d’autonomie dans nos sociétés.
Les entreprises, tous secteurs confondus, sont condamnées à prendre à bras le corps ce challenge : comment s’adresser efficacement à ce public que l’on pare de tous les superlatifs : plus informé, plus en forme, plus riche, plus…. mais aussi moins facile à séduire car moins facile à segmenter.
Un accompagnement s’avère opportun pour déjouer les pièges dans lesquels certaines initiatives ont lamentablement échoué, de la stigmatisation au jeunisme, en passant par la « ghettoïsation » et la tentation de formater une offre spécifique et pas toujours valorisante.
Parallèlement, certains pays ont expérimenté des démarches de politiques publiques volontaristes de sensibilisation, débouchant sur une prise de conscience progressive mais basée sur le fait que si les espaces devaient s’adapter aux silvers habitants, ceux–ci s’attendaient également à des discours, des produits et des services répondant à leurs attentes de façon évidente et intelligente.
Le Japon et l’Allemagne sont très souvent cités, tant ces deux pays ont expérimenté, et ce depuis la fin des années 90, des démarches visant à donner aux seniors toute leur place dans leur environnement quotidien, les transports, les hôpitaux mais aussi les magasins et autres lieux de consommation.
Au Japon, la réglementation a intégré, sous forme de standards industriels, des mesures visant à encadrer la production dans le développement de produits et services destinés aux personnes âgées, et directement influencées par le concept du « design universel » Cela permet une utilisation par tous et facilite l’intégration active des plus âgés. Grâce à un fonds spécial de soutien à l’innovation, les entreprises sont encouragées à réfléchir et créer des produits et services inédits au bénéfice des seniors, avec le soutien de scientifiques. Des chaînes de magasins spécialisés s’adressent non seulement aux seniors avec des allées larges et des produits adaptés, mais aussi à tout le monde.
L’exemple du Japon est original car il a associé les entreprises à l’effort public de sensibilisation alors que l’Allemagne, qui s’y est d’ailleurs intéressée plus tard, a concentré ses efforts sur le monde économique.
Avec une population déjà âgée (la proportion des plus de 60 ans dépassait déjà en 2007 les 25%), l’Allemagne a pris conscience et intégré le poids des seniors dans la consommation tous secteurs confondus. Il importait très vite de sensibiliser les entreprises, et plus particulièrement les PME, à ce potentiel économique.
Sous forme de formation qualifiante ou d’encouragement à l’innovation, les salariés des entreprises allemandes ont reçu des outils pour se préparer à créer et commercialiser des produits pour les seniors. Une politique volontariste a été menée, par le ministère fédéral de la famille, pour « renforcer l’engagement des personnes âgées dans la société allemande, tout en facilitant la rencontre entre acteurs économiques importants ». Dotée d’un budget conséquent, ce programme est basé sur trois piliers :
- « être actif dans l’âge », pour permettre au senior de rester dans le monde du travail le plus longtemps possible
- « travail bénévole et intergénérationnel »
- « l’âge, un facteur économique » pour sensibiliser les entreprises
Des espaces commerciaux adaptés ont également été créés avec comme cible les seniors, par exemple le « Seniorenfachmarkt Deliga », près de la ville de Dresde, doté d’une salle de repos, d’éclairages moins agressifs et d’étiquettes en gros caractères.
Si les plus de 70 ans se reconnaissent dans les produits connotés, il est indispensable d’intégrer les attentes de la tranche d’avant qu’il s’agira de fidéliser dès maintenant, en jouant sur son envie de séduire le plus longtemps possible et d’avoir un retour valorisant de son avancée en âge.
Avec des politiques résolument volontaristes, le Japon et l’Allemagne ont fait face aux défis du vieillissement de leur population, en transformant cette menace en opportunité économique.
Les exemples des pays précurseurs peuvent éclairer des stratégies avec la preuve par l’expérience mais tout n’est pas transposable et modélisable, heureusement !
Les entreprises doivent comprendre les enjeux de la silver économie et en apprécier les opportunités en restant réalistes sur les retombées réelles qu’elle peut générer pour leur activité. Peut être alors pourront elle transformer le silver en gold ?
Sources : Etude du CREDOC 2008 et Article « Comment les marques s’adaptent au marché des seniors »