Qu’est-ce que la vieillesse ? Existe-t-il des modifications psychologiques ? Qu’en est-il de l’estime de soi ? Le réseau social améliore-t-il les fonctions cognitives des seniors ? Autant de questions abordées dans l’interview de Mme Claudia Leuly-Joncart, neuropsychologue réalisée par Dr Carolle Chatot-Henry, gériatre.
Parler de la vieillesse n’est pas toujours évident, définir cette période de vie l’est encore moins. La vieillesse, en elle-même, est du réel qui fait effet, dans le rapport à ce qu’il fut, à ce qu’il est, à ce qu’il sera. Tout un chacun est confronté à des interrogations relatives à son identité qui vacille.
A quel moment je peux parler de la vieillesse ?
Je dirais qu’il n’est pas possible de définir le moment du passage dans la vieillesse, les seuls critères dont nous disposons sont des critères physiologiques. En effet, ce sont les défaillances physiologiques qui imposent à la conscience de la personne le sentiment de ses limites et lui rappellent la loi irréversible de l’évolution.
Ce sont d’abord les organes qui vieillissent, l’apparence physique qui change, les déficits fonctionnels qui s’imposent, l’état de santé qui se modifie.
Il est difficile de fixer le moment de la vieillesse, d’une façon générale la problématique de l’évolution est différente pour chacun…
Les variables biologiques, les métabolismes individuels, les modes de vie etc. sont en cause. On a « l’âge de ses artères », disent les uns, peut-être que l’on à « l’âge de son désir ».
La vieillesse est vécue comme une épreuve. Dans un premier temps, c’est celle des autres et voici qu’à son tour la personne la rencontre à travers ce qui vient lui faire défaut. Cette rencontre est généralement difficile. Elle implique l’entrée dans une succession de difficultés plus ou moins intenses impliquant des crises que tout un chacun devra bien résoudre pour continuer à vivre, à exister.
Dans la vieillesse, il est plutôt question de pertes, il s’agit de faire le deuil de ce que l’on était, de nos compétences, de ce que l’on avait.
Il y a des personnes âgées qui réussissent mieux leur vieillesse que d’autres.
La vieillesse c’est quelque chose qui se prépare, qui s’organise pour mieux se vivre.
Avec le vieillissement existe-t-il des modifications psychologiques en rapport avec des modifications physiques ?
L’avancée en âge confronte la personne à des pertes répétées touchant à la fois le corps (séduction, capacités physiques, etc.), l’image de soi, la mort d’autrui (perte du conjoint, d’un ami, etc.), des fonctions cognitives (déclin mnésique, troubles attentionnels, etc.) et à sa propre mort.
Ce corps qui vieillit, ne vieillit pas silencieusement. Il modifie irrévocablement l’image de soi et l’image que l’on renvoie aux autres par les transformations extérieures liées au corps (rides, cheveux blancs, postures, etc.). Ces modifications corporelles participent à la prise de conscience de l’avancée en âge. Elles sont en règle générale vécues péjorativement et contribuent à la fragilisation de l’image de soi et à l’acceptation de ce que l’on devient, remettant en cause l’amour et l’investissement de soi.
Lorsqu’il fait souffrir, lorsqu’il défaille, lorsque le corps est malade, il s’apparente alors au corps déplaisir. Ce vécu est dépendant des stratégies d’adaptation ou mécanismes de défense que la personne est susceptible de mobiliser pour faire face aux aléas du vieillissement.
Au-delà de l’aspect physique et corporel, l’âge bouleverse également différentes fonctions cognitives. Il en résulte un ralentissement psychomoteur et une atteinte de différentes fonctions cognitives dont l’attention et la mémoire seraient les plus vulnérables. La prise de conscience d’une diminution de la vitesse et des habiletés idéomotrices implique un renoncement et un travail de deuil en regard des performances antérieures. Par ailleurs, le déclin mnésique confronte à la perte identitaire, à l’oubli de sa propre histoire et à l’angoisse d’être atteint d’une pathologie neurodégénérative.
On peut également dire qu’il en est de même du vieillissement des organes sensoriels et périphériques (baisse de l’audition, de la vue, etc.) qui participent aux difficultés d’adaptation à l’environnement et au retrait quant aux relations interpersonnelles, favorisant le repli sur soi et le sentiment de solitude.