Le principe du Ticket Modérateur est simple : il est la différence entre le tarif de responsabilité (1) établi par la Sécurité Sociale et la part de celui-ci prend en charge. Par exemple, ce tarif pour une visite chez un généraliste « médecin traitant » est de de 30 % soit 6,90 € qui sont à votre charge sauf intervention d’une complémentaire santé.
Mais la réalité est plus complexe
Non seulement le taux de prise en charge varie avec la nature des biens et services médicaux, mais beaucoup de catégories sont exonérées :
- les malades en Affection de Longue Durée (ALD) pour la/les pathologie(s) concernée(s)
- les femmes dès le 6ème mois de grossesse jusqu’au 12 jours après l’accouchement
- les bénéficiaires de la CMU-C ou de l’AME (2)
- les pensions d’invalidité, accident de travail et maladie professionnelle
- les titulaires d’une rente AT-MP (3) d’au moins 66 %
- certains cas particuliers, test VIH, 30 premiers jours de vie …
Exception
Deux dépenses ne sont pas remboursables par les complémentaires santé, sauf à perdre le qualificatif de « responsable » et payer la TSCA au taux de 14 % au lieu de 7 %.
- la « participation forfaitaire » de 1€ applicable aux consultations et actes réalisés par un médecin, aux examens radiologiques et aux analyses de biologie médicale.
- la « franchise médicale » de 0,5 € par boîte de médicament ou acte paramédical et de 2 € par transport médical. Cette franchise est limitée à 50 € par an.
Exception à l’exception, ces franchises ne s’appliquent pas aux catégories suivantes
- jeunes de moins de 18 ans
- femmes après le 6ème mois de grossesse et jusqu’au 12ème jour suivant l’accouchement
- bénéficiaires de la CMU-C, de l’AME et depuis juillet 2015 de l’ACS (5)
Et elle se complique encore
L’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013 oblige les entreprises à affilier leurs salariés à une complémentaire santé, payée par moitié par elles et prévoyant entre autres dispositions, la prise en charge du TM pour les consultations, actes techniques et pharmacie en ville et à l’hôpital ainsi que le forfait journalier hospitalier
La circulaire sur les « contrats responsables » du 30 janvier 2015 modifie les conditions pour bénéficier du label « responsable ». Le texte est trop long pour être cité ici, notons simplement qu’il prévoit la prise en charge obligatoire du TM pour l’ensemble des dépenses de santé remboursées par l’Assurance maladie à l’exception des cures thermales, des médicaments remboursés à 15 u 30 %, des spécialistes et préparations homéopathiques.
Où cela nous conduit-il ?
L’Etat, véritable maître de la Sécurité Sociale :
- définit un tarif de responsabilité pour chaque bien et service médical,
- décide la part qui en sera prise en charge par l’Assurance Maladie (AM),
- exonère du ticket modérateur un nombre respectable de catégories et,
- considérant que la charge pour l’Assurance Maladie est encore trop lourde, il met en place participations forfaitaires et franchises médicales, avec là aussi des exemptions.
- oblige les entreprises à prendre en charge, via une complémentaire obligatoire, une partie du reste à charge des salariés.
Négligeons les détails
Pourquoi ne pas faire comme Alexandre, qui n’était pas encore le Grand et qui, au lieu de tenter de défaire le noeud hordien, le trancha avec son sable. Celui lui permit, comme le promettait l’oracle, de conquérir le monde, ce qu’il fit
Seuls restent donc les retraités, les chômeurs et quelques autres pour lesquels les Pouvoirs Publics cherchent des dispositifs. |
La Sécurité Sociale prend en charge environ 76 % des frais de santé qui sont, par le fait, mutualisés, la différence correspondant au TM et aux dépassements d’honoraires. Laissons les dépassements d’honoraires aux complémentaires santé et demandons-nous pourquoi l’Etat, s’efforçant par divers moyens de mutualiser aussi le ticket modérateur, n’irait pas au bout de la logique en le supprimant, c’est-à-dire en l’englobant dans la partie des dépenses qu’elle prend en charge ?
Bien sûr, ce n’est pas si simple mais les Alsaciens et Mosellans ont un schéma de solution
Il existe dans ces départements un « régime spécial », sorte de complémentaire santé obligatoire qui prend en charge la quasi-totalité du TM grâce ç une cotisation de 1,5% des revenus. Cette modalité de financement, parfaitement redistributive comme celle de la Sécurité Sociale, simplifierait la situation actuelle : administration intégrée avec celle de la Sécurité Sociale, suppression de la CMU-C et de l’ACS, allégements des coûts administratifs sur toute la ligne.
Certes, cela ressemblerait à une augmentation des prélèvements obligatoires qui sont déjà très élevés dans notre pays. Mais elle serait largement compensée, et au-delà, par des économies sur d’autres postes. Notons que le Conseil d’Analyse Economique du 28 janvier fait des propositions analogues. Nous serions donc en bonne compagnie.
Une utopie ? Ou une perspective de réforme !
Définitions
- Tarif de responsabilité : base de remboursement fixée par la Sécurité Sociale
- CMUC-C : Couverture Maladie Universelle – Complémentaire/AME : Aide Médicale d’Etat
- AT-MP : Accidents du Travail – Maladies professionnelles
- TSCA : Taxe spéciale sur les Contrats d’Assurance
- ACS : Aide à l’Acquisition d’une Complémentaire Santé
Christian Bourreau
Article paru dans le Courrier des retraités du mois du 2nd trimestre 2016
Lien vers le site : http://www.retraites-ufr.com