Rencontre avec Lonja Touati, infirmière, une infirmière engagée et passionnée qui lutte au quotidien contre la solitude des personnes âgées.
Quel est votre métier ?
Je suis infirmière de secteur psychiatrique et j’ai également effectué ma formation d’infirmière de soins généraux. Je travaille à temps plein dans un Centre Médico Psychologique (CMP).
Outre ma formation d’infirmière, afin d’avoir les outils théoriques nécessaires à cette pratique, j’ai obtenu mon diplôme universitaire (DU) du sujet âgé et un DU de remédiation cognitive. C’est aussi ma pratique quotidienne, la connaissance du terrain, ce que les seniors me donnent à voir et observer, leur famille, les institutions…
Je m’occupe pour mi-temps de la ligne géronto-psychiatrie, j’interviens à domicile ou dans les lieux de vie comme les EHPAD ou les foyers logements …
Comment luttez-vous contre l’isolement des personnes âgées ?
Deux jours par semaine avec la géronto-psychiatre, nous recevons sur site les seniors en consultation (nouvelles demandes et suivi).
J’ai développé un réseau avec des partenaires médico-sociaux : médecins traitants, coordonnateurs, assistantes sociales, équipes soignantes, CCAS, filières gériatriques, équipes mobiles de gériatrie … L’objectif est d’organiser des rencontres, d’échanger sur des situations et de trouver, ensemble, la solution la mieux adaptée à la personne suivie.
Lors de mes prises en charge, je rencontre de nombreuses personnes seules suite à un veuvage ou à l’éloignement géographique des familles. La solitude, le repli sur soi, l’isolement social, la peur de sortir, la dépression avec parfois passage à l’acte impactent le quotidien des seniors.
Lorsqu’une personne vit seule à domicile, en fonction de son lieu d’habitation, je lui demande de contacter telle ou telle structure afin qu’elle puisse prendre ses repas. Je l’accompagne parfois vers un club de loisirs. L’objectif est qu’elle puisse participer activement à des activités proposées par le club ou le foyer logement, qu’elle se crée des liens et retrouve une vie sociale.
Pour d’autres, je mets en place le portage de repas, le passage des infirmiers libéraux et/ou l’aide à domicile. La difficulté réside parfois dans l’acceptation de ces aides car les séniors peuvent se sentir « envahis » chez eux. C’est alors un travail de longue haleine de faire accepter les aides ; il faut en expliquer le pourquoi et l’intérêt pour la personne. Cela revient aussi à échanger sur le fait que la personne ne peut plus faire comme avant, qu’il y a perte d’autonomie, qu’elle peut bénéficier d’aide pour vivre le mieux possible à domicile, que c’est aussi une présence pour échanger et garder un lien social.
Mes visites à domicile permettent l’évaluation du milieu de vie, de la dynamique familiale à travers mes échanges à domicile.
Qu’est-ce que le groupe Metis’Age ?
J’ai mis en place depuis 4 ans un groupe qui se réunit chaque vendredi de 14h à 15h30. Nous nous appelons « METIS’AGE » (Métis étant la déesse de la ruse, de l’intelligence et de la prudence et mère d’Athéna, déesse de la sagesse).
Les participants sont des personnes âgées d’au moins 60 ans et sont confrontées au vieillissement. Ce passage de la vie peut se vivre différemment selon les personnes. C’est pourquoi, nous proposons un groupe afin de leur permettre se rencontrer autour d’un café ou d’un thé et de pouvoir exprimer leur vécu, leur quotidien et leurs projets. Cela permet un travail sur la problématique du vieillissement et la réhabilitation du lien social.
Les objectifs de ce groupe sont les suivants :
- Faire prendre conscience aux personnes âgées de leurs capacités,
- Contribuer au maintien de leur niveau d’autonomie,
- Prendre plaisir en groupe,
- Reprendre confiance en soi et aux autres,
- Travailler la question du plaisir et du bien vieillir,
- Expérimenter le groupe en vue de développer le co-étayage sur la cité
Les thèmes abordés sont nombreux : la solitude, comment se sentir moins seul, être en lien avec les autres, comment aborder le décès d’un proche, d’un ami et l’absence mais aussi l’actualité, les loisirs …
Le groupe commence en septembre chaque vendredi et se termine début juillet. Nous clôturons le groupe par un repas pris au restaurant.
Je co-anime ce groupe avec une collègue infirmière. Durant la période estivale juillet et août le groupe se réunit tous les 15 jours.
Qu’est-ce que le pote-agé ?
J’ai demandé aux jardiniers de l’hôpital de confectionner un bac à hauteur d’homme avec un accès pour les personnes en fauteuil roulant. Il y a trois mois, nous y avons planté différents légumes et autres fleurs. Nous l’appelons notre « POTE-AGE ». Chaque vendredi nous nous occupons du potager.
La moyenne d’âge des participants au groupe est entre 75 et 84 ans. C’est un groupe mixte. Ils ont connu la guerre et les privations et leurs parents et grands parents avaient un jardin afin de se nourrir durant ces pénuries.
Quelles autres solutions seraient possibles ?
Dans ma pratique, j’ai constaté que les personnes âgées aiment échanger, raconter et transmettre. Il me semble important de favoriser ces rencontres et de prendre le temps de les écouter. Je reçois également les familles et les aidants naturels pour du soutien, de l’écoute et afin d’orienter l’entourage si besoin.
Des entretiens familiaux sont proposés selon la dynamique familiale. Dans tous les cas, l’intervention clinique s’appuie fortement sur le réseau préexistant avec comme principe fondamental de ne pas démobiliser le réseau ou le système socio-familial.
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