Dans les pays occidentaux, nous vivons de plus en plus vieux, en meilleure santé et en plus grand nombre. C’est statistique. C’est très bien. Mais la charge grandissante des seniors s’accumulant pourrait, si tout restait en l’état, conduire nos économies à des niveaux d’endettement comparables à ceux de l’après-guerre ?
Alors que toutes les projections démographiques clignotent au rouge, on n’enregistre nulle part, ni en Europe – même nordique) ni en Amérique du Nord, de décisions à la hauteur du défi annoncé. En France, comme à l’accoutumée, nous inventerons une solution bien de chez nous, que le monde entier nous enviera.
Un seul pays « avancé » semble avoir pris, sinon la vraie mesure des problèmes auxquels il devra se confronter, du moins, des attitudes positives : le Japon. Coincé entre une dénatalité difficilement réversible et l’augmentation de l’espérance de vie, il est désormais le plus « vieux » du monde. Les Japonais ont gagné 21 ans d’espérance de vie en 60 ans. L’âge médian dans l’Archipel, actuellement 45 ans, ne peut qu’augmenter. La part des plus de 65 ans, déjà le quart de la population, oblige les Nippons, plus tôt que d’autres, à inventer de nouveaux rapports sociétaux, à prendre les initiatives politiques, pratiques, et économiques qui permettront de trouver l’équilibre d’une nouvelle société. Le gouvernement japonais n’a pas d’autre choix que préparer l’émergence d’un ordre social d’avenir incluant les seniors.
Certains signes, déjà, l’indiquent. Nombre d’espaces publics, magasins, transports, cinémas. se sont équipés pour faciliter la mobilité des handicapés et l’accès des fauteuils roulants. Dans certains supermarchés, l’adaptation à la clientèle vieillissante est exemplaire, qu’ils s’agisse de produits d’orthopédie (cannes, voiturettes, fauteuils), de boissons et de plats cuisinés spéciaux, ou de services : locations d’équipements spécifiques, livraisons à domicile, entretien du jardin, de la maison etc. .. Tout est prévu et disponible immédiatement.
Clairement, dans ce pays, la vieillesse n’est pas une fin.
Elle est ressentie plutôt comme un nouveau départ, une étape que où l’on peut encore exister, être utile, gagner sa vie, avoir une position sociale, des collègues, de nouveaux contacts. On est surpris par le nombre de « vieux » travaillant dans les magasins, dans la rue, sur les chantiers, dans les universités, les hôpitaux, sans crainte de se voir reprocher de « prendre leur travail » aux jeunes. Grâce ç une bonne hygiène de vie antérieure à une alimentation saine (poissons – riz), sexa, septua et octogénaires sont en grande majorité en bonne santé. Plutôt que jeter l’anathème sur les « trop-vieux-pour-travailler », on les valorise dans les équivalents de notre « pôle emploi ». Les sociétés d’intérim mettent en avant l’expertise et les compétences de cadres et de spécialistes vieillissants, très appréciées des PME et PMI. Patronat et syndicats sont d’accord pour que toute personne qui le souhaite ou qui en a besoin, puisse travailler quel que soit son âge. 16 % des femmes de 65 à 70 ans occupent un emploi (3,5% en France). Quant à la réglementation du cumul emploi-retraite, elle n’a jamais existé.
Le modèle est sous nos yeux.
Serons-nous capables, non certes de le copier, les mœurs de nos sociétés sont profondément différentes, mais de nous en inspirer ? Nous sera-t-il possible d’adapter nos sensibilités, nos habitudes, notre marché du travail, nos règlements, nos lois, à la profonde mutation sociale qui, déjà, s’ébauche chez nous ? Au XXe siècle, la grande cause internationale fut l’environnement. Nul doute que le vieillissement sera celle du
XXIe siècle. Jean Mauriès
Article paru dans le Courrier des retraités n° 31 – Décembre 2013
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