Le Dr Tatiana BASILEU-ZOZIO, gériatre et membre de l’équipe mobile gériatrie au CHU Pointe à Pitre, vice-présidente de la société de Gériatrie et de Gérontologie en Guadeloupe, nous a confié les ambitions de la SGGG au niveau national et son analyse du vieillissement localement.
Nos projets au niveau national
Enfin sur le plan national, il s’agit de faire connaître notre région et notamment sa situation particulière, qui comme celle de la Martinique, nous positionne en pionniers de la gestion du vieillissement démographique à venir en France et dans le monde. A nous de faire remonter nos analyses, nos propositions et nos essais, afin de participer aux réflexions sur le plan national, mais aussi afin que soit reconnus nos besoins spécifiques et surtout permettre l’adaptation des éventuels plans d’aide nationaux à notre réalité locale.
Quelle est votre analyse du vieillissement au niveau local ?
En Guadeloupe, nous connaissons tous la situation d’un vieillissement plus rapide sur le plan démographique, depuis maintenant plusieurs années. La question n’est plus de constater ce vieillissement, mais plutôt de commencer à l’anticiper.
Ce qui ressort de toute analyse sur cet état de fait, c’est la nécessité impérative de commencer à organiser ces mutations profondes de notre société. Car il s’agit bien de cela, les solidarités intergénérationnelles qui permettaient jusque là le maintien au domicile bon gré mal gré de nos aînés, disparaît au fur et à mesure. Pour ne citer qu’un exemple, certains vivaient parfois dans une maison sans eau, mais pouvaient toujours compter sur le voisinage pour être approvisionnés. Aujourd’hui cette disponibilité des proches aux alentours a disparu, mais pas la précarité de certains logements ni la prise d’âge de leurs occupants. Les femmes sont le centre de familles monoparentales, où doivent se gérer désormais les parents, voire les grands parents, oncles et tantes, souvent cumulant maladies et perte d’autonomie. Les revenus sont précaires, et ne permettent pas toujours de mettre en place les aides à domicile qu’il faudrait. Et enfin l’accès aux aides et dispositifs parfois possibles, se fait le plus souvent trop tard, par manque d’informations et errance des familles, au moment de « crises » médico-sociales amenant le patient déjà devenu dépendant, aux urgences…
Il s’agit ainsi pour nous acteurs du monde de la gériatrie et de la gérontologie, formés tant à l’approche sanitaire que sociale de nos patients dans une vision globale, d’accompagner les réflexions qui seront bientôt incontournables en Guadeloupe. La gestion à venir de ces parcours de santé et de vie, s’ils ne sont pas mieux structurés, sera source de coûts économiques lourds mais aussi et surtout de véritables drames dans les familles Guadeloupéennes. Il est plus que temps de confronter le problème, et de faire les investissements nécessaires dès maintenant, plutôt que d’attendre, en se résignant ou en fermant les yeux, l’inévitable. Les enjeux et les conséquences sont d’ores et déjà considérables et palpables.
Quels conseils donneriez-vous aux seniors ?
A nos seniors je dirai principalement deux choses.
- La première c’est autant que possible de rester dans ce que j’appelle le « Bien Vieillir » voire plutôt et tout simplement le « Bien Vivre » (car cela s’applique à tous !), à savoir essentiellement manger sainement et en quantité suffisante (et pour cela j’invite vraiment les familles à se pencher sur l’importance capitale de la nutrition dans le maintien de l’autonomie des personnes âgées auprès des professionnels qui les entourent) ; mais aussi de « bouger » en s’adaptant si besoin à leurs âges ( et là aussi j’orienterai les familles vers les animateurs activité physique adaptée que certaines communes mettent à disposition dans les parcours santé communaux). Ce sont deux axes clés de prévention, qui impactent largement les pathologies cardiovasculaires et métaboliques comme le diabète, particulièrement présentes et sources de perte d’autonomie chez nous, et pour lesquels les 1ers acteurs concernés et capables d’opérer les changements sont avant tout les principaux concernés, donc les patients et leurs familles.
- La deuxième serait de rester convaincus autant que possible de leur rôle majeur dans nos sociétés malgré la tournure que semble prendre la vie moderne et de l’impression probable qu’ils doivent avoir d’être rejetés par une société prônant le « jeunisme » à tout va. Ils sont pourtant nos piliers, nos bases, et doivent continuer à nous transmettre tout ce qu’ils ont pu récolté au cours de leur longue expérience, ceci malgré nos manquements ou nos ingratitudes de jeunesse. Ils sont la mémoire de notre île, de notre culture, de notre histoire. Quelque soit leur âge, leur maladie, leur handicap, ou leur isolement, ils sont un des plus beaux trésors de notre société. Pour cela leur vie n’a pas de prix et vaut bien plus que tous les musées et mémorial bâtis de nos mains… Je n’ai jamais entendu parler une pierre de la vie « en tan lontan », mais j’ai toujours reconnu l’éclat d’une histoire riche même à travers le simple regard de chacun de mes patients, aussi âgés ou malades soient-ils.
Sources :
- INSEE, Premiers résultats n°73 – janvier 2011 et antinéchos n° 23 – janvier 2013
- Contributions de professionnels de la gérontologie de la Guadeloupe
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